La Roumanie, ancien « grenier de l’Europe », patrie du légendaire Dracula et des Carpates, pays européen souvent mal-aimé et en mal de reconnaissance, a toujours été tiraillé entre ses traditions et son passé politique très controversé.
Un passé politique qui commence quand Nicolae Ceausescu, un simple citoyen aux origines modestes, prend les rênes du pouvoir en 1967 avec comme volonté de redorer le blason de son pays, de rattraper le retard sur tous les niveaux, promettant à tous les citoyens égalité des chances, emploi, loisirs et revenus respectables.
Et pourtant…
Rapidement grisé par le pouvoir, cruel, complexé, inconstant, Ceausescu et son épouse Elena vont imposer à la Roumanie l’un des pires régimes totalitaires sous fond de nationalisme et de patriotisme trompe-l’œil, où le moindre mouvement, la moindre parole, la moindre revendication peut à tout moment se retourner contre son auteur.
Source : tara-autentica
Pendant près de deux décennies, les Roumains vont se résigner bravement à leur terrible sort, idéalisant leur chef, supportant le rationnement de tous les produits alimentaires, les lois liberticides, la permanente surveillance policière, le travail éreintant, les conditions sanitaires misérables, tandis qu’à l’extérieur, personne ne sait réellement ce qui se passe dans le pays ni le cauchemar vécu par ses habitants.
Il en faut peu pour que la bombe à retardement finisse par se déclencher.
Nous sommes à Bucarest ce 21 décembre 1989. Les températures hivernales marquent – 8 degrés. Une immense foule sombre et grelottante est rassemblée sur le parvis du comité central. Les militaires sont déployés partout, arme sous le bras, le regard aux aguets. Tous ont le regard rivé sur le balcon. C’est de là que Nicolae Ceausescu, maître absolu qui gouverne la Roumanie depuis 1967, doit prononcer son discours annuel à l’occasion des fêtes de fin d’année.
C’est un petit vieillard de soixante-et-onze ans au visage fatigué qui apparaît, vêtu d’un manteau de vison noir beaucoup trop large pour lui et une toque de fourrure traditionnelle sur la tête. Rejoint par sa femme, ils font de grands signes en direction de la foule massée à leurs pieds, prête à gober comme de coutume tout ce qu’ils diront, tout ce qu’ils ordonneront.
Pourtant, une ambiance électrique règne ce matin, comme si tout le monde était sur le qui-vive. La raison n’est nulle autre que les manifestations qui ont agité le centre-ville quelques jours auparavant.
Il fallait oser ! Les manifestants, avec un courage hors du commun, ont crié haut et fort leur mécontentement en agitant des banderoles sur lesquelles ils réclament plus de droits et de libertés au « Conducator ». Les arrestations ne se sont pas fait attendre. Tout le monde sait qu’il est formellement interdit de se rassembler pour critiquer le régime. La Securitate, l’effroyable et zélée police d’État, est d’ailleurs là pour rétablir l’ordre, parfois un peu trop même. Au moins un membre de chaque famille en Roumanie a déjà eu affaire à elle et sa brutalité n’est pas un mythe.
C’est donc tout naturellement qu’aujourd’hui, le discours du Président sera moralisateur afin de dissuader les futurs récalcitrants d’aller plus loin, de tenter autre chose. Bien sûr il fera cela en choisissant les mots, avec cet air de papa mécontent de ses enfants qu’il aime mais châtie tout de même aussi bien.
La première partie du discours se passe dans un silence religieux, seule la voix chevrotante de Nicolae Ceausescu résonne dans le micro. Il a l’habitude de s’écouter parler. Le silence de son auditoire est considéré généralement comme de l’approbation. C’est donc sans trop attendre qu’il entre dans le vif du sujet :
« Ces grandes manifestations populaires de Bucarest que notre vaillante Securitate est parvenue à maîtriser, nous les considérons comme une grave infamie, un crime… », lit difficilement le président sur la feuille qu’il a dans la main. Il jette un regard circulaire pour voir l’effet que cela produit. Mais au lieu de la salve d’applaudissements qui accueille généralement tous ses discours, il a droit pour la toute première fois à des huées, des cris de dérision et de réprobation. Du jamais vu !
Le mécontentement et le choc se lisent instantanément sur le visage de Ceausescu. Pris au dépourvu, peu habitué à ce genre de riposte, il se met à agiter nerveusement la main pour réclamer le silence et calmer les esprits échauffés, un peu à la manière d’un maître d’école.
Mais plus personne ne l’écoute. Les cris redoublent d’intensité. Paniqué, son secrétaire de cabinet vient lui dire quelque chose dans l’oreille mais il l’envoie promener d’un geste brusque. Il est hors de question de céder !
Comme d’habitude lorsqu’il est contrarié, Nicolae Ceausescu se met à trembler et à bégayer. Au terme d’un grand effort, il reprend la feuille dactylographiée et tente tant bien que mal de couvrir les cris en continuant sa lecture, ne mettant l’accent que sur les bonnes nouvelles :
« Nous avons décidé d’augmenter les salaires à partir du 1er janvier 1990 de 2000 à 2200 leu… » (environ 350 euros).
Quelques personnes au premier rang applaudissent timidement cette initiative, mais le cœur n’y est pas, n’y est plus.
La suite est entièrement interrompue. Des « Ceausescu dehors ! » et « Vive le peuple ! » commencent à fuser de partout. Qui a dit ça ? QUI A DIT ÇA ?
Les militaires, bien qu’armés jusqu’aux dents, ne bougent pas de leurs places.
En quelques minutes, la foule tout entière n’est plus que vociférations, sifflements, menaces.
Dépassé par les événements, incapable de maîtriser la situation, Nicolae Ceausescu finit par battre en retraite en abandonnant la tribune sous les applaudissements. Son épouse, Elena, le suit avec hâte, ils sont entourés par les chefs de la sécurité qui essayent de les faire évacuer sans trop de dommages. Le couple présidentiel s’enfuit in extremis à bord d’un hélicoptère pour atterrir à 30 kilomètres de la capitale.
Entretemps, la foule en colère fonce sur le palais du comité dans l’espoir de le vandaliser. Des gens montent dans la tribune présidentielle, jettent de la paperasse depuis le balcon, des vitres sont cassées et du matériel radiophonique est volé.
Corneliu Manescu, ancien ministre des Affaires étrangères, se souvient : « Ce discours lui a été fatal. Le mécontentement de la population qui s’est accumulé année après année s’est transformé en un ouragan qui a tout balayé sur son passage. »
La nouvelle de la fuite du couple Ceausescu se propage. Il faut les rattraper ! Un flot humain se déverse alors dans les rues de Bucarest, se prolongeant pendant la soirée, et cela continue pendant la nuit, des tirs et des incendies ravagent toute la ville.
Au petit matin, les rangs des révolutionnaires ont triplé. Des milliers d’ouvriers venus des usines de la périphérie marchent en lignes serrées, bras dessus bras dessous sur le comité central. Des policiers abandonnent leurs armes et arrachent leurs galons avant de se joindre à eux. On hurle son triomphe, on pleure de joie et on se jette dans les bras les uns des autres : le peuple et la Securitate ne font désormais plus qu’un !
— Ne tirez pas sur le peuple ! Scandent les ouvriers en liesse.
— Ceausescu, À mort ! Renchérissent les autres.
L’heure est aux réjouissances : ça y est, c’en est fini du tyran et de la mégère, c’en est fini des privations, c’en est fini de celui qui a fait assassiner plus de 300 000 de personnes et en a fait exiler tout autant, fini de celui qui a affamé à dessein tout un peuple et l’a réduit en esclavage pendant plus de deux décennies. Une ère nouvelle se dessine à l’horizon, porteuse d’espoir et de liberté.
Les caméras de la télévision nationale, encore la veille au service du régime, deviennent en quelque sorte les nouveaux porte-paroles du petit peuple. Ce retournement de situation inattendu mais prévisible doit être immortalisé pour les générations à venir.
Pendant ce temps, la cavale du couple présidentiel commence. Après le trajet en hélicoptère, ils trouvent temporairement refuge dans la maison d’un paysan. Ainsi réduits à l’état de simples fugitifs, Nicolae et Elena Ceausescu ignorent encore que leurs heures sont désormais comptées et que leur départ précipité va sceller à jamais le destin de la Roumanie.
Pourtant, en accédant au pouvoir en 1967, Nicolae Ceausescu, ce fils de paysans, cet homme du peuple, surnommé affectueusement « Le Géant des Carpates », n’aurait jamais imaginé une telle fin, une telle décadence, un tel destin.
La fin de son règne de terreur, il l’a lui-même précipitée, à coup de lois liberticides et d’abus en tous genres, imposant une autorité absolue que nul n’aurait songé à enfreindre sous peine de se faire fusiller ou se faire envoyer dans un camp de travail. Vingt-deux ans de règne réduits en fumée qui ont pourtant commencé dans les meilleures dispositions de l’esprit.
Source : npr
Nicolae Ceausescu (prononcer Nikolayé Tchaoutcheskou) est né le 26 janvier 1918 à Scornicesti dans la province de Valachie. Il est neuvième d’une famille de onze enfants. Ses parents sont des paysans, des gens de la terre, religieux et illettrés. La famille est propriétaire de son terrain et possède même du bétail, ce qui rend sa position enviable comparée à d’autres familles paysannes de cette époque.
Le père, Andruta Ceausescu, est brutal et alcoolique. Il bat continuellement ses enfants, surtout les garçons, et les obligent à abattre des tâches difficiles dans la ferme.
Le petit Nicolae, contrairement à ses aînés, est scolarisé à l’école du village où il apprend un peu de mathématiques et à lire et à écrire. Son cursus ne va pas au-delà du primaire, l’école ne l’intéresse pas et il n’y reste d’ailleurs pas longtemps. Sa mère comme beaucoup de femmes d’alors espère qu’il pourra intégrer le séminaire pour devenir prêtre mais la vie monacale n’est pas du goût du garçonnet. Du reste, il faut avoir d’assez bonnes notes pour y être accepté.
Sa rupture avec ses parents a lieu très tôt, car pour fuir un climat familial désastreux et un père intransigeant et violent, il part dès l’âge de onze ans à Bucarest. Niculina, sa grande sœur qui vient de se marier et de s’installer à la capitale, accepte de l’héberger et de le prendre en charge en attendant qu’il puisse entrer en apprentissage chez quelque artisan.
Il travaille pendant un moment chez un cordonnier puis chez un cafetier. Nicolae prend rapidement goût à la vie mouvementée des prolétaires, il devient un membre actif des assemblées révolutionnaires et anti-fascistes. Il milite, participe à des réunions secrètes et est arrêté puis mis en prison plusieurs fois avant d’être relâché. Il est même emprisonné pendant un moment dans un camp de travail.
Il rejoint le parti communiste en 1937 à l’époque où la Roumanie est envahie par l’Union soviétique. Les communistes ont la cote : leur côté aventurier et écorché-vif est très populaire auprès de la gent féminine. Le jeune Nicolae, pourvu d’un physique ingrat, est beaucoup trop timide pour rivaliser avec les autres Don Juan du parti, tous bruns, grands, typés et affichant une virilité insolente.
Pourtant, lui-même n’est pas en reste puisqu’une jeune femme le lorgne déjà depuis quelques temps. Elle est brune, ses traits sont un peu sévères et marqués, elle est opiniâtre et vouée corps et âme à la cause. Surtout, elle a un joli prénom roumain à la résonnance affectueuse : Lenuta.
Nicolae est à la fois intimidé et subjugué par cette petite femme au fort tempérament. Il n’a jamais connu l’amour car bien trop occupé par la distribution des tracts et les réunions du parti. Elle sera donc son premier amour et la seule femme de sa vie en même temps que sa compagne de lutte.
Comme lui, la jeune Lenuta Petrescu a des origines modestes. Née à Dâmboviţa dans la partie méridionale du pays, ses parents sont d’anciens paysans reconvertis en commerçants. Pour que leurs enfants puissent accéder à l’éducation, les Petrescu ont choisi de déménager à Bucarest où ils ont ouvert une petite taverne pour pouvoir survivre.
Comme son futur mari, Lenuta Petrescu ne fait pas d’études brillantes. Son cursus s’arrête d’ailleurs en quatrième. Pour pouvoir aider financièrement sa famille, elle travaille avec son frère dans une usine de textile.
Féministe indécrottable, la condition des femmes roumaines la révulse et la révolte très tôt : contraintes de travailler durement à l’extérieur avant de se transformer en boniches dès qu’elles franchissent le seuil de chez elles. Les hommes roumains, par leur éducation, ont l’habitude de porter la culotte et doivent être traités comme des rois chez eux, même si la plupart travaillent en tant qu’ouvriers ou agriculteurs. À la maison, ils redeviennent les patrons, les femmes se doivent alors de leur obéir et ne jamais les contredire.
Les violences domestiques sont légion à cette époque mais personne n’ose aborder le sujet : ça serait porter préjudice à l’institution conjugale. Les femmes roumaines, peu expérimentées en matière sexuelle et subissant une pression sociale importante, pensent que l’homme a toujours raison, même quand il boit trop, même quand il ne ramène pas de paye à la maison ou qu’il se prend une maîtresse.
Lenuta Petrescu se fait le serment de ne jamais être réduite au rôle de figurante et de subordonnée dans son couple. L’homme qui va partager sa vie se doit de bien la traiter, la respecter, voire même partager quelques tâches ménagères avec elle. Elle expose ses conditions au jeune Nicolae qui, comme ses pairs, écarquille des yeux :
- Tu veux m’épouser ?
- Euh… oui, balbutie-il.
- Alors il va falloir faire comme je le décide !
- Tu veux donc que je me transforme en bunica?
- C’est à prendre ou à laisser !
L’amour reprend son droit, le jeune Ceausescu accepte.
- Et désormais, tu m’appelleras Elena et non pas Lenuta comme une vulgaire gardeuse de moutons !
- Elena, oui cela me paraît approprié pour la future épouse d’un membre du parti ! La taquine-t-il.
Ils se marient en 1946. Elena qui a, en réalité, deux ans de plus que son mari, falsifie son acte de naissance pour paraître plus jeune : 1916, qui est sa véritable année de naissance, devient alors 1919. Les cérémonies religieuses étant proscrites par le régime communiste, ils échangent leurs vœux devant le bureau des actes civils en présence de deux témoins.
En 1948, le couple accueille son premier enfant, un petit garçon nommé Valentin, suivi un an plus tard par une fille, Zoia et enfin d’un autre garçon, Nicu, né en 1951. Nicolae Ceausescu, issu lui-même d’une nombreuse fratrie, presse sa femme pour en avoir d’autres mais elle refuse catégoriquement : le parti communiste a besoin d’elle et ce n’est pas en pouponnant tous les deux ans qu’elle va y arriver !
L’ascension fulgurante du couple en politique se passe à l’unisson. Ambitieux tous les deux, ils saisissent chaque occasion qui se présente. Elena, même sans diplômes ni qualifications réelles, accède au poste de secrétaire au ministère des Affaires étrangères tandis que son mari monte les échelons et devient le bras droit de Giurgiu Dej, dirigeant révolutionnaire de la Roumanie.
Depuis que ce dernier a accédé au pouvoir après la Deuxième Guerre mondiale, Ceausescu ne le quitte plus, n’hésitant pas à devenir obséquieux et zélé pour garder ses faveurs. Pour ses bons et loyaux services, Dej le promeut au grade de général dans l’armée.
Le couple Ceausescu et ses enfants font alors partie de l’élite communiste roumaine, ils ne connaissent ni les privations ni les arrestations surprises, arme redoutable héritée de l’URSS. Ils vivent dans une sorte de petite bulle protectrice, loin de tout souci matériel. Si le luxe occidental est fortement récrié et condamné, ripailler et festoyer reste de mise dans la nomenklatura alors que la plupart des citoyens peinent à couvrir tous leurs besoins alimentaires.
Le couple Ceausescu prend rapidement goût à la vie de cocagne, ils sont invités un peu partout dans les galas organisés par le ministère des Affaires étrangères, rencontrent le gratin, les diplomates étrangers et leurs épouses aux tenues bien trop vulgaires et courtes au goût de Nicolae. Elena, avide de fréquenter ces personnalités politiques, engage la conversation en ayant recours au français et à l’anglais.
Source : ozy
Au début des années soixante, Nicolae Ceausescu, malgré ses grandes lacunes en matière linguistique, continue son ascension. Il sait à peine écrire en roumain et a peu de connaissances en théorie marxiste et révolutionnaire, mais c’est un féru de Joseph Staline, « le Tsar Rouge », véritable source d’inspiration pour lui.
À quarante-deux ans, pas spécialement beau ni spécialement brillant, il rêve d’une carrière politique hors du commun. Mais quel serait un politicien digne de ce nom s’il est incapable de bien parler et faire de jolies tournures de phrases ?
Nicolae Ceausescu est bègue. En temps normal, il lui arrive de parler normalement sans marquer de temps de pause mais dès qu’il est un peu nerveux, il perd instantanément ses mots et est souvent incapable de terminer une phrase. Ce handicap devient sa hantise et le complexe de façon effroyable.
Pourtant, malgré cet obstacle, il parvient à devenir un orateur de masse extraordinaire. La foule, c’est son dada ! Il est en perpétuelle recherche d’attention, pas spécialement celle des femmes, mais plutôt celle du peuple dans sa globalité. Partout où il va, les gens se massent pour l’attendre et pouvoir le saluer.
Issu d’un milieu rural, il a l’habitude des embrassades et des franches accolades avec des inconnus, chose qui répugne à ses collègues issus de milieux plus privilégiés, peu enclins à ce genre de familiarités. C’est d’ailleurs peut-être cela qui contribue à sa grande popularité : un homme simple préoccupé par le sort des démunis et des malheureux.
À la mort du chef d’État Giurgiu Dej en 1967, Nicolae Ceausescu hérite en quelque sorte du « trône ». C’est donc sans grande difficulté qu’il accède au poste de secrétaire général du parti communiste. Il est élu la même année président du Conseil d’État, titre qu’il n’a aucun mal à reconvertir en celui de Président de la République communiste de Roumanie.
Son élection est saluée dans tout le pays. Ceausescu promet de redonner au pays sa dignité et son panache de l’époque médiévale. Dès qu’il accède à la présidence, il rompt tout contact avec l’Union Soviétique et Moscou. Il a pour ambition de placer son pays dans l’échiquier du monde et lui ôter cette réputation de vulgaire colonie des « soviets », bonne qu’à produire des céréales, de la laine, des oies et du vin.
Pourtant la Roumanie de la fin des années soixante est encore une espèce de grande exploitation agricole très en retard par rapport à de nombreux pays européens. Ce retard irrite au plus haut point Nicolae Ceausescu qui veut combler les lacunes et industrialiser en un temps record tout le territoire pour rattraper le temps perdu. Il fait prendre conscience aux Roumains que le pays n’est plus le garde-manger des Russes.
Ces mesures, qui s’apparentent à de la grande bravoure, génèrent l’orgueil national et la prise de conscience de l’existence sans besoin de tutelle. Un climat de joie flotte dans l’air, un espoir d’un avenir prometteur réchauffe les cœurs, le citoyen se sent tout fier de faire partie de quelque chose de grandiose, de participer à la construction d’une Roumanie nouvelle, moderne, ouverte sur le monde, qui n’a pas honte de revendiquer ses origines paysannes tout en restant friande du progrès.
Et le progrès, Ceausescu le veut en overdose !
Sa révolte envers Moscou fait grincer des dents, elle le propulse comme il l’a prédit sur les devants de la scène politique internationale. En un laps de temps record, il devient une sorte de médiateur entre l’Est et l’Ouest.
Les chefs d’États du monde, commencent à atterrir à Bucarest en visite amicale et politique : le Président américain Richard Nixon, le Général de Gaulle, le chef de la révolution cubaine Fidel Castro, le Premier ministre indien Rajiv Ghandi, le leader nord-coréen Kim Il-Sung, ainsi que bon nombre de diplomates des pays africains, font partie de ses invités prestigieux.
À chacune d’une visite d’un hôte étranger, Ceausescu sort la grande artillerie et met les petits plats dans les grands. Faire parader l’hôte de marque en décapotable au milieu d’une foule en liesse, devient une tradition. Les invités du couple présidentiel repartent couverts de cadeaux et avec l’illusion que la Roumanie est l’un des pays où l’hospitalité presque orientale côtoie l’efficacité européenne. Nul doute qu’un avenir doré l’attend !
« Ton existence est un miracle pour l’humanité, pour toute la Roumanie ! Quand tu parles, les pierres se transforment en montagnes. Ô toi, Ceausescu, qui parcourt la planète, messager de nos valeurs et de nos aspirations… »
C’est ce que scandent désormais chaque matin toutes les écolières et écoliers. Qu’ils soient à Bucarest, à Timisoara, à Cluj ou à Brasov, tous entonnent cet hymne à la gloire de leur leader et père spirituel en sachant que dans tout le pays, d’autres petites voix résonnent avec eux à l’unisson.
Le président a réussi à gagner le cœur du peuple, à le rallier à sa cause. Chacune de ses visites se transforme en bain de foule digne d’une rock star, tout le monde veut l’embrasser, le toucher, lui dire combien il l’adule, la crise d’hystérie n’est jamais loin. Ceausescu embrasse tout le monde et se fait embrasser en retour, serre chaleureusement les enfants et les jeunes gens dans ses bras. Quelques mètres plus loin, sa femme Elena en fait autant avec les vieillards auxquels elle prête une oreille attentive et jamais feinte.
Le culte de la personnalité est en marche et est érigé comme un symbole du pouvoir en place. Le couple présidentiel est représenté en peinture accompagné d’une myriade d’enfants en foulards rouges autour du cou, en photos, sur des porcelaines, des mouchoirs et certains les voient même en rêve. On dit que cela porte bonheur.
Pourtant, malgré les ambitions du maître du pays, la Roumanie est encore un pays sous-développé au début des années soixante-dix, et ce, même si elle montre des signes timides de progrès.
Une course contre la montre est engagée : l’industrialisation à grande échelle touche tous les domaines de la vie. Le président fait construire d’immenses usines qu’il équipe de machines dernier cri. Il fait construire des hôpitaux, des dispensaires, des pharmacies afin que tout monde puisse, aussi bien en ville qu’à la campagne, avoir accès aux soins gratuits. Les paysans sont relogés dans des immeubles récents, tout le monde bénéficie du gaz, du chauffage, de l’électricité et du minimum de confort urbain.
Tradition communiste oblige, Nicolae Ceausescu distribue des titres comme « meilleure ouvrière de l’usine unetelle » ou encore « meilleur électricien de la fabrique unetelle » aux plus méritants. Ces promotions sont souvent accompagnées de cadeaux comme un appartement deux pièces avec chauffage et eau courante. Comble du luxe !
Les voitures sont quant à elles un « mets rare » et seuls les dignitaires du régime en possèdent ; le citoyen lambda se contente de circuler en trolleybus, en vélo et plus généralement à pied.
L’art au service du régime est aussi fortement encouragé et il n’est pas rare de trouver des orchestres parmi les travailleurs comme celui des Ouvriers sidérurgistes de Hunedoara. La télévision nationale se déplace d’ailleurs pour filmer leurs clips en pleine usine.
« Je vis dans le pays du soleil et des étoiles… » chante l’ouvrière à califourchon sur une plate-bande.
La chanson est commentée le soir même à la radio nationale :
« C’est avec une ferveur particulière que les travailleurs ont rendu un vibrant hommage à l’éclatant architecte de la nouvelle ère patriotique, Nicolae Ceausescu, dont les desseins inspirés et réalistes ont ennobli la Roumanie de réalisations grandioses ».
Le couple présidentiel, adulé par son peuple, est aussi accueilli en grande pompe à l’étranger, aussi bien dans les résidences présidentielles que dans les cours royales européennes les plus prestigieuses.
Les Ceausescu, tous deux presque illettrés, collectionnent sans rougir les distinctions universitaires et les titres. Elena, surtout, se taille la part belle. Elle est tour à tour nommée académicienne, grande mathématicienne de tous les temps, reçoit le diplôme honoris causa de l’université de Manille lors d’une visite aux Philippines ainsi que celui de Docteur en toutes sortes de spécialités.
Une de ses thèses est d’ailleurs rejetée par un professeur qui ne la trouve pas assez à la hauteur. La présidente en est profondément humiliée, le sort du scientifique est scellé : condamné au camp de travail pour dix ans. Personne n’a le droit de mettre en doute le savoir de la deuxième personnalité de l’État !
Lors d’un voyage en Corée du Nord chez le dictateur Kim Il-Sung, Nicolae Ceausescu est subjugué par la beauté du palais dans lequel réside son hôte. Le dirigeant coréen exerce au passage beaucoup d’influence sur le Roumain, lui qui mise sur le principe de « Affame ton chien, il te suivra ». Le message est clair : un peuple qui bénéficie de trop de droits en réclamera toujours davantage et rechignera à faire son travail comme il faut. En revanche, un peuple assujetti et terrorisé se montrera plus rentable et sera reconnaissant de la moindre trêve. Selon Kim Il-Sung, Ceausescu ne devrait pas donner autant de libertés à son peuple sous peine de se faire évincer.
De retour en Roumanie, avec l’image du somptueux palais coréen en tête, Ceausescu fait appeler ses architectes :
« Il me faut le même que celui de Kim Il-Sung ! En combien de temps sera-t-il fin prêt ? »
C’est à partir de cette période fatidique que le pays va s’enfoncer peu à peu dans une dictature paranoïaque et cauchemardesque. C’est le début de la fin pour des milliers de Roumains qui ignorent encore ce qui se trame dans les coulisses du régime. Leur sort se joue sans qu’ils ne le sachent.
Ceausescu, toujours aussi obsédé par la modernité, ordonne la destruction des anciens palais féodaux et fait ériger à la place des barres d’immeubles staliniens hideux, gris et grillagés, où la population qui se multiplie année après année se trouve entassée. Bientôt, il n’y a plus assez de places pour accueillir tout le monde.
Les immeubles construits précédemment sont alors reconvertis en maisons communautaires où jusqu’à quatre familles sont obligées de cohabiter en partageant les communs et la cuisine. Ces habitations sont pour la plupart insalubres, semi-finies, mal isolées. Les résidents ont alors recours à l’imagination et au bricolage pour rafistoler les câbles électriques et les gazinières des cuisines. Les fuites de gaz, les canalisations bouchées et les incendies ne sont pas rares.
Au parlement, Elena Ceausescu vote comme le reste du parti une loi qui interdit l’avortement. Désormais, chaque femme roumaine sera amenée à faire au moins quatre enfants. Nicolae Ceausescu approuve cette décision. Issu lui-même d’une fratrie de onze enfants, il n’arrive pas à se faire à l’idée qu’une femme jeune et en bonne santé ne puisse vouloir qu’un ou deux enfants.
Les femmes roumaines, peu expérimentées en matière sexuelle et vivant encore sous le joug de la pure tradition patriarcale, sont encouragées à enfanter dès leur première année de mariage. Des médailles avec mention « Mère héroïque de la nation » sont même décernées à celles qui parviennent à avoir une dizaine d’enfants.
Les prix sont généralement des landaus, des couche-culottes et des boîtes de lait en poudre. Maigre récompense direz-vous, mais cela n’est rien à côté de l’orgueil qu’elles en tirent, véritables ventres féconds du régime, amenés à peupler le pays de bons et loyaux petits soldats destinés à servir vaillamment leurs père et mère idéologiques !
Toutes celles qui contournent cette loi subissent de sévères punitions. Pour pallier toute bavure, ordre est donné aux pharmacies et aux dispensaires de faire disparaître tous les lots de contraceptifs. Les résultats se font rapidement ressentir : bientôt, la Roumanie tout entière croule sous un nombre considérable d’enfants non désirés, souvent abandonnés par leurs génitrices à la naissance.
Les quelques avortements clandestins, entrepris dans des conditions d’hygiène douteuse et souvent sans anesthésie, se concluent généralement par le décès de la patiente et l’arrestation du médecin, condamné à être fusillé.
Des orphelinats d’un nouveau genre commencent alors à fleurir un peu partout pour accueillir ces rejetons, mais leur nombre est limité et leurs conditions sanitaires plus que déplorables. Les enfants attardés mentaux (grand tabou des communistes) sont placés directement dans des unités hospitalières dissimulées où ils finissent par mourir, faute de soins adéquats et souvent par manque de nourriture.
La pauvreté de la population se généralise. Pour pallier le manque de ressources, le pays, qui était encore en auto-suffisance alimentaire, exporte à présent toutes ses denrées à l’étranger, sans se soucier du devenir de la population. Les étals de marché commencent à se vider, au même titre que les vitrines des épiceries et les étals des bouchers. Le Roumain de base du début des années quatre-vingts a pour première préoccupation de manger à sa faim, ce qui ne se produit jamais !
Les files sans fin devant les magasins deviendront une sorte de symbole de l’échec des pays communistes, elles se généralisent également dans toutes les villes de Roumanie. Pour quelques grammes de viande de porc, on est obligé de rester devant la boucherie pendant toute une nuit. Les produits de base comme les céréales, les laitages, les légumes, le sucre, le café, le thé, deviennent des denrées de luxe qu’on s’arrache comme des sauvages.
Le shampoing, le papier toilette et les autres articles d’hygiène ne sont plus que de vagues souvenirs. Désormais, chaque ménage roumain doit se munir d’un ticket pour récupérer un panier mensuel contenant : un kilo de farine, un bloc de savon, de l’huile, un paquet de thé et de sucre. Ni plus, ni moins ! Débrouillez-vous comme vous pouvez, le panier ne sera pas renouvelé avant échéance !
La police d’État, la Securitate, devient l’instrument répressif du régime. La population est mise sous écoute en permanence, des micros sont même glissés discrètement dans les appartements afin d’écouter ce qui se dit à propos du président et de sa suite.
Le citoyen, espionné sans interruption, n’a plus que le privilège de respirer l’air et encore. Depuis bientôt cinq ans, le pays s’est refermé sur lui-même et peu de nouvelles filtrent hors des frontières. Les journaux d’Europe de l’Ouest sont désormais interdits ainsi que tous les journaux russes.
Certains journalistes et intellectuels de plus en plus censurés cherchent à fuir cette prison à ciel ouvert où leur plume peut à chaque moment les condamner à de lourdes peines de prison. Les plus chanceux qui parviennent à passer de l’autre côté du rideau de fer demandent l’asile politique dès leur arrivée.
Beaucoup de ces intellectuels se retrouvent à Liège, en Belgique, où une petite communauté roumaine s’est formée. Ces derniers n’ont de cesse de dénoncer le régime totalitaire qu’ils viennent de fuir, que ça soit à la radio ou à la télévision et beaucoup de Belges sont horrifiés d’apprendre qu’à juste quelques kilomètres de leurs pays, une dictature sévit, toute puissante. Selon certains, la Securitate aurait fait assassiner près de 300 000 personnes au total.
Pendant ce temps, du haut de son nouveau palais coréen fraîchement construit, Nicolae Ceausescu continue de faire la pluie et le beau temps. À mesure qu’il prend de l’âge, son tempérament s’altère, il devient paranoïaque, acariâtre, autoritaire. Alors que le peuple souffre de carences en tous genres, les Ceausescu et leurs trois enfants passent des vacances au bord de la Mer Noire, skient dans les Carpates, organisent galas dansants et barbecues au bord de l’eau.
Un ancien caméraman du régime, qui avait l’habitude de filmer les vacances présidentielles, raconte comment Ceausescu s’en est pris à lui une fois lorsqu’il a commis l’impair de couper ses jambes au montage :
- Pourquoi on ne voit plus mes genoux ?
- Mais, Camarade Président, j’ai fait ce qu’on appelle un « plan américain » !
- Ah non non, moi je veux que des plans roumains ! Qu’est-ce qu’on en a foutre des Amerlocks !
En 1985, Ceausescu décide de s’inspirer des parades nord-coréennes colorées et en fait le spectacle où il tient le rôle central de vedette. La Roumanie devient alors une dictature fantaisiste où le peuple meurt de faim mais est obligé de se plier aux exigences de son leader.
À grand renfort de lumières, costumes et chants patriotiques, des spectacles grandioses à la gloire du « Géant des Carpates » sont montés en un temps record.
Andrei Duban, ancien enfant acteur de la dictature se souvient : « C’était une gigantesque mise en scène avec 22 millions de personnes qui applaudissaient deux interprètes : Nicolae et Elena. »
Le pays tout entier se transforme en scène où les citoyens, fatigués de leur journée de travail à l’usine, sont obligés de venir répéter les spectacles pendant toute la nuit. Celui qui a le culot de manquer une de ces répétitions se fait renvoyer dès le lendemain de son travail, et parfois même mis en prison.
Les stades de foot sont mobilisés pour accueillir tout ce monde. Le ventre creux, en proie à l’hypoglycémie, les ouvriers et les ouvrières défilent, un sourire figé sur le visage, en entonnant des chansons vantant les louanges de leur chef.
Là-haut dans la tribune, le couple présidentiel vieillissant applaudit, ravi de tenir en laisse toute cette population affamée et exténuée qui ne demande qu’à aller se coucher.
Le 23 août 1989, la comédie musicale touche à sa fin. C’est le dernier défilé avant le début de la révolte qui va secouer toutes les franges de la population. Les acteurs, fatigués, n’ont plus le cœur à jouer. Des haut-parleurs passent en permanence des « hourra » enregistrés sur cassette.
Le chorégraphe Corneliu Patrichi raconte à ce propos : « C’était d’un triste ridicule ! Tout était enregistré, personne n’applaudissait ! Nous étions rongés par la famine et la colère… On faisait la queue toute la nuit pour quelques miettes et un os de viande, et le lendemain il fallait venir aux répét’ ! Pour faire bonne figure, on souriait, mais à l’intérieur, on pleurait… »
Une chose est sûre, tout le monde en a marre de ces parades fantoches en carton-pâte, les gens veulent autre chose pour élargir leur horizon. Même dans le comité central, personne ne veut plus soutenir le leader, certains même s’insurgent contre lui ouvertement : pourquoi faut-il urbaniser les campagnes quand, dans les villes, on ne peut pas assurer des conditions de vie normales ?
Le 21 décembre 1989, en plein hiver, Nicolae Ceaucescu ne le sait pas encore, mais il va s’adresser une dernière fois à son peuple. La foule immense qui s’est rassemblée autour du parvis du comité central attend que son chef parle. Les caméras de télévision sont là, déployées un peu partout.
Source : letemps
Le réalisateur Georges Militaru est le premier à remarquer qu’une bande de jeunes sont en train de piétiner une banderole avec l’image du président. Effrayé, il dirige sa caméra vers des groupes plus pacifistes, placés au premier rang, avant de faire un cadre fixe sur Ceausescu.
Mais au grand étonnement des cameramen, des cris commencent à fuser de tous côtés, le discours au lieu d’être applaudi comme il est d’usage est copieusement sifflé.
Georges Militaru, qui se trouve dans la tribune présidentielle pour prendre des photos, entend Elena Ceausescu murmurer à son mari : « Donne-leur encore 100 leu », comme si quelques billets de plus allait pouvoir calmer la colère populaire.
Mais il est trop tard, la pièce théâtrale est d’ores et déjà terminée. Ceausescu en a conscience à présent, même s’il fait des efforts pour garder son calme. Voyant la situation dégénérer, le couple présidentiel est évacué par des membres de la Securitate et fuit de justesse à bord d’un hélicoptère qui décolle du toit de l’immeuble du comité.
Les choses s’accélèrent de façon fulgurante : un groupe de communistes de second rang forme un gouvernement d’urgence et annonce un plan de gouvernance à la télé, visages barbus à la Che Guevara et vêtus de treillis militaires, symboles de leur appartenance prolétaire.
Les rues de Bucarest deviennent le théâtre d’une lutte sans merci entre les partisans du président déchu et ses opposants. Pendant trois jours, la capitale de la Roumanie vit au rythme des tirs de mitraillette et de kalachnikov, les sirènes retentissent comme pendant la guerre passée et la population se hâte de rentrer chez elle de peur de recevoir une balle perdue.
À bord de l’hélicoptère, Nicolae et Elena Ceausescu ne savent pas encore ce qui les attend. À court de carburant, le pilote finit par les abandonner dans une base militaire, à cinquante kilomètres de Bucarest.
Là, ils sont emmenés encore une fois en voiture et sont cachés dans la maison d’une famille de paysans de Targoviste, qui ne comprennent pas ce que le couple présidentiel vient faire chez eux.
Pâles, fatigués, sous le choc, les vêtements enduits de poussière et de cambouis, Nicolae et Elena Ceausescu ne prononcent plus un mot. Des membres de la Securitate leur mettent les menottes aux poignets. Leur cavale n’aura duré que quelques heures.
Pendant ce temps, leur procès est en train de se préparer par les leaders du nouveau gouvernement. Il faut que les deux tyrans payent pour tout le malheur qu’ils ont causé.
Un comité envoyé depuis Bucarest est chargé d’organiser le jugement du couple. Le 25 décembre 1989, le président déchu et sa femme passent devant le tribunal révolutionnaire qui a élu domicile dans une salle de classe d’une école élémentaire de Targoviste. On leur accorde une heure pour s’expliquer et répondre aux questions.
Nicolae Ceausescu bégaye, se met en colère, menace de faire arrêter et fusiller tout le monde quand cette mascarade sera finie tandis qu’Elena oppose un silence arrogant et refuse obstinément de collaborer. Elle dit seulement aux juges et aux soldats « Vous me devez tout, je suis comme votre mère ! ».
Le verdict est déjà sur toutes les lèvres : le couple présidentiel est condamné à être fusillé pour crime contre l’humanité et génocide. Ils sont aussitôt encerclés par des militaires pour être mené au peloton d’exécution. Tandis que l’ancien président se laisse faire avec une léthargie qu’on ne lui a jamais connue, son épouse commence à se débattre comme une tigresse, échevelée, hystérique. Elle hurle en se débattant :
« Je vous interdit de faire ça ! Ne me touchez pas ! J’ai l’âge d’être votre mère à tous, vous devriez avoir honte de vous ! Je suis une vieille femme, vous n’avez pas le droit de me traiter comme ça ! C’est moi qui ai fait de vous les hommes que vous êtes aujourd’hui ! »
Source : evenimentulistoric
La scène qui est filmée du début à la fin se poursuit dans la cour centrale où le couple est mitraillé par trois soldats. Ils s’effondrent en même temps l’un contre l’autre.
Une page de l’histoire est définitivement tournée.
Rapidement, les cadavres de Nicolae et Elena Ceausescu sont placés dans une camionnette qui les mènent à Bucarest où leurs dépouilles sont enterrées dans un endroit tenu secret.
Restés à Bucarest, les trois enfants du couple, Valentin, Zoia et Nicu, bénéficient de la protection du nouveau gouvernement avant d’être à leur tour emprisonnés puis relâchés.
À la fin des années quatre-vingt-dix, les séjours humanitaires vont lever un pan sur un secret bien gardé de la dictature : les orphelinats, vestiges de la loi anti-avortement votée par Elena Ceausescu. Beaucoup de médecins français, belges et néerlandais vont filmer à la sauvette et souvent en caméra cachée des scènes cauchemardesques d’enfants nus, squelettiques, crânes rasés et couverts d’excréments, retenus dans des espèces de cages qui leurs servent de lit. Ces images dignes des goulags vont faire frémir d’horreur toute l’Europe.
Depuis qu’elle est devenue membre à part entière de l’Union Européenne en 2007, la Roumanie essaye de se faire une place dans le paysage mondial. Longtemps confinée derrière le rideau de fer, victime de son passé douloureux, multipliant les retards en matière technologique, urbaine et socio-économique, elle traîne avec elle les vestiges d’un héritage communiste reconverti en capitalisme sauvage.
Le 25 décembre 1989 en milieu de journée, après trente-quatre années de règne, Elena et Nicolas Ceausescu, sont abattus comme à la sauvette d’une rafale de kalachnikov, après une heure d’un simulacre de procès. Ils ont été exécutés par un peloton d’exécution contre un bloc sanitaire. Mais qu’est-ce qui a conduit à cet événement flagrant ?
Les sources :
- Ceaucescu : la folie du pouvoir
- roumanie CEAUSESCU la folie du pouvoir
- Roumanie : le désastre rouge (1988)
- Roumanie : « Nous avons vécu sous la dictature de Ceausescu »
- Roumanie : il y a trente ans, la chute de Ceausescu, le « génie des Carpates »
- Roumanie : souvenirs de la dictature
- Une enfance à l’ombre de Ceaucescu
- Elena Ceaușescu, « exceptionnelle » chimiste…contestée et vice-Première ministre de Roumanie
- Regard sur la situation des orphelinats en Roumanie
- Elena Ceaușescu
- Roumanie
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