Les proches des disparus décident alors de mener leurs propres investigations. Avec les moyens dont ils disposent, ils remontent aux prémices de l’affaire pour en reconstituer les faits et c’est là qu’ils découvrent que, derrière le départ précipité de leurs enfants ou de leurs parents, se cache un personnage dangereux, énigmatique et à multi-facettes, un certain Alfredo Stranieri.
C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans notre affaire criminelle d’aujourd’hui.
Cela fait la dixième fois en une seule matinée que Claude Girard appelle désespérément sa fille Nathalie au téléphone sans avoir de réponse. Lui et sa femme Andrée ne comprennent pas ce silence soudain. Ce n’est pas dans ses habitudes, alors qu’elle les appelle tous les jours, parfois rien que pour leur souhaiter une bonne journée ou raconter une anecdote sans importance. Cet échange quasi-quotidien est presque vital entre les parents et leur fille unique.
Source : scenedecrime
Claude Girard a comme un mauvais pressentiment. Est-ce un problème de ligne téléphonique ? Est-ce que le déménagement a ainsi accaparé tout son temps pour qu’elle ne puisse par donner un coup de fil, rien qu’un tout petit coup de fil pour leur dire qu’elle va bien et qu’elle souhaite juste se reposer un peu ? Ce sont des parents compréhensifs, ils ne vont pas insister davantage ni lui demander des explications.
Ce qui les inquiète davantage, c’est que même Frédéric, son compagnon, reste également inaccessible et ne répond à aucun appel.
Ce 16 novembre 1997, Nathalie et Frédéric persistent à rester injoignables malgré les nombreuses tentatives pour entrer en contact avec eux. Le couple Girard, craignant le pire, se décide enfin à pousser la porte du commissariat.
Assis en face d’un agent de police, les Girard exposent les faits. L’agent, tout en les écoutant, recueille tranquillement les informations concernant les deux disparus.
— Quand votre fille vous a-t-elle appelé pour la dernière fois ?
— Il y a de cela une semaine, le 10 novembre plus précisément.
— Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal dans son échange ?
— Non, bien au contraire. Elle m’a dit qu’elle était heureuse que son compagnon ait trouvé un acheteur pour son établissement.
— Quel genre d’établissement ?
— Une discothèque. Elle m’a dit que l’acte de vente a été dûment signé chez le notaire et que tout s’était bien passé.
— Avez-vous parlé à votre gendre ?
— Oui, j’ai parlé avec Frédéric, l’homme qui partage la vie de ma fille depuis bientôt six ans.
— Et vous n’avez rien noté de particulier cette fois encore ?
— Pas le moins du monde ! Il était comme Nathalie, heureux d’avoir trouvé un acheteur qui n’a pas cherché à négocier le prix de vente demandé.
Le policier marque une pause avant de dire :
— Votre fille et son compagnon sont majeurs à ce que je sache, n’est-ce pas, Monsieur Girard ?
— Bien sûr, quelle question !
— Eh bien la loi stipule qu’en tant que tels, ils ont le droit de partir sans fournir d’explication.
Le couple Girard n’en croit pas ses oreilles. Comment cela est-ce possible ? En tant que parents, ils ont le droit de savoir ce que devient leur fille, c’est comme ça qu’ils ont toujours conçu la chose, sinon à quoi servent les forces de l’ordre ?!
— À mon avis, ils sont juste partis en voyage et ne souhaitaient le dire à personne, reprend le policier, c’est leur droit.
— C’est leur droit, c’est leur droit ! Tempête Claude Girard. Ma fille n’est pas le genre à nous laisser sans nouvelles sa mère et moi ! Bon sang, appelez une section de recherches, faites quelque chose !
— Je regrette de ne pas pouvoir vous aider davantage. Il est inutile de perdre votre temps ici. Si nous avons la moindre nouvelle la concernant, nous vous tiendrons au courant.
Et c’est ainsi que les deux parents sont gentiment invités à prendre congé par les policiers.
Les jours suivants, toujours sans nouvelles de Nathalie et Frédéric, le couple
Girard n’a de cesse de faire des allers-retours au commissariat. À chaque fois, c’est la même phrase qui leur est répétée : « Rentrez chez vous, on vous rappellera ! ».
Ce n’est qu’au terme d’une longue et éprouvante semaine, où ils sont passés par tous les états d’inquiétude, qu’ils reçoivent enfin un appel. Claude Girard saute le premier sur le combiné :
— Allo, Nathalie chérie, c’est toi ?
À l’autre bout du fil, un homme est en train de se racler la gorge.
— Allo, Fred ? Allo, Frédéric ? Répète Claude Girard, le cœur battant.
Non. C’est le nouveau gérant de la discothèque. Claude et sa femme Andrée échangent un regard circonspect. Ils trouvent l’initiative de cet étranger un peu déplacée, mais tant pis, s’il peut les tranquilliser.
L’homme se présente, il s’appelle Alfredo Stranieri.
Source : facebook
À la question « Vous avez des nouvelles de Fred et Natalie ? », Stranieri répète mot pour mot ce que leur fille a dit par téléphone quelques jours plus tôt : que les actes de vente ont été dûment signés chez le notaire et que la discothèque a été vendue au prix fixé sur l’annonce.
L’homme ajoute tout de même une information capitale : tout juste après, homme et femme ont fait leurs valises et ont quitté les lieux sans plus attendre. Ah bon, partis et où ça ? Oh, il n’a pas eu l’indiscrétion de le demander, ce ne sont pas ses oignons ! Sûrement en voyage à l’étranger pour changer de décor après le stress de la vente, de la paperasse et du déménagement, vous savez ce que c’est, ce genre de choses…
Stranieri ne tarit pas d’éloges sur le couple, dit avoir été enchanté d’avoir fait leur connaissance et ainsi de suite.
Le nouveau propriétaire de la discothèque, très loquace et affable, se dit être à l’entière disposition de Claude et Andrée si jamais il apprend quelque chose à leur sujet, mais il en doute.
Ils le remercient. Le père de Nathalie sait à cet instant qu’il n’en saura pas davantage. Il raccroche, un peu dépité, en partie tranquillisé sur le sort de sa fille mais néanmoins pas tout à fait convaincu.
Son inquiétude première laisse aussitôt place à de la colère : ce départ soudain et silencieux, c’était sûrement une idée de ce Frédéric ! À présent, il en est même persuadé. Il le sait, Adman a toujours cherché à éloigner d’eux Nathalie, et ce déménagement a été un prétexte pour mettre son plan à exécution. Quel homme ignoble !
Il faut dire qu’entre le beau-père et le gendre, l’entente n’a jamais été au beau fixe et même si les choses n’ont jamais été dites ouvertement, un ressentiment latent doublé d’une agressivité silencieuse a toujours été de mise entre eux.
Claude Girard se remémore à présent comment Frédéric Adman a toujours eu cette volonté de s’accaparer Nathalie, et ce, depuis le tout début de leur relation. Son emprise sur elle est totale, il la mène carrément par le bout du nez. De son côté, la jeune femme n’a presque jamais voix au chapitre.
C’est toujours Fred qui décide de tout, qui gère tout, elle est réduite à un simple rôle de figuration. Elle a même été écartée de la vente de la discothèque sous prétexte qu’elle n’est ni co-propriétaire ni associée. Ils savent que Frédéric était l’unique bénéficiaire.
Outre la relation dominant/dominé, un autre élément fait tache : la grande différence d’âge, plus de vingt ans d’écart, mais Nathalie est follement amoureuse de Frédéric et ne souhaite partager sa vie avec personne d’autre que lui. Ses parents ont acquiescé encore une fois, soucieux de son bonheur et voilà le résultat !
Pour Frédéric Adman, l’amour excessif des parents de sa compagne ressemble plus à du chantage affectif. Ils sont toujours là aux aguets, entravant leur vie de couple, mesurant tous ses faits et gestes, mettant sa patience à rude épreuve. Pour eux, il n’est pas assez bien pour elle.
Si Andrée, la maman, se montre parfois conciliante, Claude, le papa est indécrottable. Il lui arrive même par moment de le penser jaloux de sa relation avec Nathalie.
Alfredo Stranieri ne rappelle pas les Girard les jours suivants. L’inquiétude reprend alors son droit et se renforce davantage à la lecture du dernier relevé bancaire de Nathalie. Le compte de la jeune femme a subi plusieurs débits à des dates très rapprochées.
Au mois de décembre, le compte bancaire de Nathalie est totalement vidé et l’intégralité de son contenu versé au profit de Frédéric Adman, comme le constate son père.
Deux jours après, même topo : le compte courant de Frédéric est à son tour vidé en intégralité ! Claude va de surprise en surprise, notamment quand il découvre que son gendre a fait un chèque en bois au profit de l’un de ses associés. Connaissant le tempérament prudent de Frédéric Adman, Claude Girard sait qu’il serait incapable de telles largesses.
Alors à quoi rime toute cette histoire ? Le couple était-il criblé de dettes et souhaitait le cacher par honte ou par pudeur ? Ont-ils les huissiers à leurs trousses et c’est pour cette raison qu’ils ont choisi de s’évanouir dans la nature en attendant que les choses se tassent ?
Claude Girard continue à s’obstiner : non et non, ni Nathalie ni Frédéric ne sont capables de telles folies.
Claude et Andrée se rendent à nouveau au commissariat et cette fois, l’accueil est froid et presque dissuasif. Les policiers reprochent à Claude Girard d’en faire trop, de s’imaginer des choses qui n’ont pas lieu d’être. Son comportement est pris pour du harcèlement, car que cherche-il en venant à chaque fois tempêter dans les couloirs ? Un policier lui fait alors rapidement comprendre que s’il n’y a pas de délit, ils ne sont pas obligés d’interférer, lui rappelant au passage qu’un individu adulte a le droit de partir sans donner d’explications à quiconque.
Loin de calmer sa colère, les policiers proposent à Claude Girard une dernière solution : entreprendre une « recherche dans l’intérêt des familles ». Il accepte, espérant que cela aboutisse. Il est immédiatement placé dans un bureau vide, attablé devant deux fiches informatives à remplir, qu’il remet par la suite à une policière. Après quoi, il part.
Source : leparisien
Les semaines s’écoulent lentement, toujours sans nouvelles de Nathalie et Frédéric. Les fêtes de fin d’année arrivent à leur tour sans aucun coup de fil pour venir mettre du baume au cœur des Girard.
Opiniâtre et obstiné, Claude ne veut rien lâcher, pas avant que la police ne retrouve sa fille. Alors, il continue d’effectuer des va-et-vient incessants entre son domicile et le commissariat, chahutant les policiers, siégeant carrément sur place. Pourtant rien n’y fait, personne ne s’intéresse vraiment à son cas, personne ne bouge le petit doigt.
Claude Girard se souvient : « La police n’a pas voulu nous entendre ni ouvrir une enquête préliminaire. Si nous n’arrivez pas avec la tête de votre enfant sous le bras, on ne vous croit pas ! ».
Les parents de Nathalie Girard remuent ciel et terre pour la retrouver mais rien ne se passe.
Claude Girard décide alors d’écrire à Laurent Davenas, le procureur de la République d’Évry-Chatillon pour lui exposer son problème, mais le courrier envoyé par poste simple et non en recommandé n’arrive pas à son destinataire et demeure sans réponse.
Se sentant alors incompris et lâchés par les autorités et la justice, les parents de Nathalie décident donc de mener tout seuls leurs investigations en dernier recours.
Début février 1998, en pleine saison hivernale, ils prennent leur voiture et leur camping-car et quittent Bordeaux, direction l’Essonne. L’idée est d’aller enquêter eux-mêmes sur place.
Ils passent ainsi des nuits dans les parkings à caravanes. Pendant la journée, ils font le tour du quartier où habite leur fille, questionnant quelques voisins, des commerçants, sans avoir de réponse précise.
Ils espèrent aussi croiser cet Alfredo Stranieri qu’ils ont eu une fois au téléphone. Pour cela, ils passent des journées entières dans leur véhicule, guettant son arrivée. La discothèque « New Love » sur laquelle ils jettent un regard déconfit semble plongée dans un silence total. Pas l’ombre d’un mouvement à l’intérieur. Les volets sont fermés et les portes hermétiquement closes. C’est comme si toute vie l’avait quittée depuis le départ de Nathalie …
Un matin, alors que les Girard font le guet dans leur voiture, un homme qui semble être le propriétaire vient de descendre d’une voiture stationnée sur le bas-côté. Grand, brun, costaud, très typé, une chaîne en or massif autour du cou et les cheveux noirs portés un peu longs, il sort des clés pour ouvrir la porte principale.
Les parents de Nathalie descendent précipitamment pour aller à sa rencontre.
Les présentations se font de façon cordiale. Le couple Girard remarque un homme affable qui se montre compatissant. Claude lui rappelle leur discussion au téléphone au sujet du départ en vacances de Nathalie et Frédéric, oui, oui, il s’en souvient parfaitement. Des nouvelles depuis ? Non, pas vraiment et puis pourquoi il en aurait de toute façon, il n’a aucun lien avec eux, à part bien sur le fait qu’ils lui ont vendu la baraque. Il a payé comptant, ils ont signé toute la paperasse, après chacun est parti de son côté, pourquoi est-il censé en savoir plus que les autres sur leur vie privée ?!
Les Girard hochent la tête. Il a parfaitement raison sur ce point. La conversation ne va pas plus loin.
— Je suis sûr qu’il nous cache quelque chose ! Souffle Claude à sa femme quand ils remontent dans leur voiture.
Fidèle à son habitude, il commence à se rendre presque tous les jours au « New Love » pour y rencontrer Alfredo Stranieri. Son objectif est de parvenir à lui tirer les vers du nez, mais l’homme ne semble pas être prédisposé à coopérer, il reste très vague sur le sujet, affirmant que la relation entre lui et le couple a été brève et limitée au processus de vente/achat.
Alors qu’ils sont de retour à Bordeaux pour le week-end, la sonnerie du téléphone retentit. C’est Stranieri à l’autre bout du fil. Il a quelque chose d’urgent à leur annoncer :
« Allo, Monsieur Girard ? Oui, oui, c’est moi, Fredo le patron du New Love. Comment ça va et la charmante dame ? Andrea, si ? Non, Andrée, va bene… Au fait, c’est pas tout ça, mais j’ai croisé votre fille, Nat, oui Nathalie, pardon… Beeh, deux jours après votre départ peut-être bien… Elle est enceinte, un petit bedon gros comme ça, ah oui, cinq mois au moins… Non, elle ne m’a rien dit à votre sujet, non… Je ne sais pas où elle est, oui bien sûr je n’y manquerai pas… Excusez-moi, mais je dois raccrocher, eh oui, c’est ça, au revoir… ».
La nouvelle plonge instantanément le couple Girard dans le désespoir. Nathalie, de retour, enceinte de surcroît et toujours sans les prévenir ?! C’est pire que tout ce qu’ils auraient imaginé ! Mari et femme doivent s’asseoir un moment pour reprendre leurs esprits. Andrée éclate en sanglots, le visage caché dans ses deux mains ; son mari, tente de la consoler sans y parvenir. Mais quel est donc ce cauchemar dans lequel ils sont entrés de plain-pied ? Qu’à fait Frédéric de leur fille pour la monter ainsi contre eux ? Que lui a-t-il dit encore à leur propos ?
Désemparés par la nouvelle inattendue de la grossesse, fatigués, désorientés par l’étrangeté de ces événements, les Girard ne veulent pourtant pas abandonner, pas maintenant, quitte à ce qu’ils s’y consacrent exclusivement durant les prochains mois. Et maintenant, ils ont peur aussi, peur de cet étrange individu, bavard, toujours prêt à dégainer les phrases qu’on aimerait entendre et qui semble en connaître davantage que ce qu’il laisse entrevoir.
Ils n’arrivent pas encore à se l’avouer, mais ce Stranieri leur a laissé un goût amer, une impression extrêmement bizarre et malsaine, pas le genre de personne avec qui leur fille et son petit copain traitent d’habitude.
Le lendemain, d’un commun accord, ils décident de retourner voir les policiers et donner son signalement. Ces derniers ont besoin de preuves, accuser quelqu’un sans indices et sans preuves à l’appui est considéré comme un crime en soit.
Alors Claude Girard éclate et tout le monde est sujet à son courroux. Il accuse les policiers d’incompétence, de nonchalance et de mauvaise foi.
« À ce rythme, vous aurez un mort voire deux sur la conscience ! C’est là le serment que vous avez fait en devenant flics ? Hein ? Protéger les citoyens en toutes circonstances ?! Eh bien, laissez-moi vous dire que vous ne faites pas honneur à cette profession ! »
La remarque cinglante du Colonel Géry Plane ne se fait pas attendre :
« Il n’y a pas de motif dans les circonstances ! Vous nous demandez d’accuser quelqu’un mais sur quelle base, s’il vous plaît ? En se fiant à des révélations données de façon tout à fait aléatoire ? Si c’est ainsi, vous frappez à la mauvaise porte, M. Girard et maintenant, sortez de mon bureau ! ».
Et pourtant, le couple Girard a raison de s’inquiéter. Leur flair parental les a-t-il alertés ? Peut-être bien, mais revenons plutôt quelques mois en arrière.
Nous sommes fin septembre 1997 à Viry-Chatillon, plus précisément au 44 boulevard Alsace-Lorraine où vivent Nathalie Girard, jeune commerciale pétillante de trente-deux ans et son compagnon, Frédéric Adman, âgé de cinquante ans, toujours bien de sa personne, restaurateur de vocation et propriétaire d’un dancing baptisé « New Love ». Le couple possède un appartement en dessus de leur établissement et semblent filer le parfait amour.
Leur première rencontre remonte à 1992. Lui venait de sortir d’un divorce chaotique, elle d’une rupture sentimentale tout aussi compliquée. Ils partagent beaucoup de points en commun et le coup de foudre a été instantané malgré la grande différence d’âge.
Seul ombre au tableau : les parents de Nathalie, des bourgeois bordelais qui voient d’un très mauvais œil cette relation passionnelle qu’ils jugent malsaine et pas très comme il faut. Nathalie, bien que très attachée à eux, veut vivre sa vie de femme comme elle l’entend avec l’homme qu’elle a choisi.
Durant les premiers temps de leur union, les affaires semblent bien marcher. Nathalie s’occupe de la comptabilité du restaurant et du dancing tandis que Frédéric et la petite équipe de serveurs qu’il a sous son aile assurent le service. Les années passent, et malgré toute leur bonne volonté, les affaires ne marchent pas aussi bien qu’ils l’auraient voulu.
L’établissement, désuet, a besoin d’une profonde rénovation. Ils n’en ont pas les moyens et contractent un crédit pour l’effectuer. Mais cela ne suffit pas ; la discothèque, située dans une artère peu animée d’un quartier résidentiel, n’a pas assez de visibilité et n’attire pas grand monde.
Avec son architecture des années soixante-dix et son décor kitsch, sa moquette rouge et ses boules à facettes, elle passe à présent carrément pour démodée. La jeune clientèle la fuit pour des endroits beaucoup plus branchés et, seuls, quelques habitués continuent à venir uniquement pour boire et grignoter quelque chose, ignorant la piste de danse centrale restée désespérément déserte à la grande désolation des propriétaires.
Bientôt, tous les bénéfices du couple suffisent à peine à couvrir les charges fixes. Alors ils prennent la décision de la mettre en vente. Les parents de Nathalie proposent de les accueillir à Bordeaux, le temps de repartir sur de bonnes bases, ils acceptent. Ils mettent l’annonce dans la section des professionnels et attendent patiemment le prochain candidat.
Début octobre, un certain Alfredo Stranieri les contactent. Il souhaite acheter et il est prêt à payer la somme de 427 000 euros, sans négocier.
Le couple est ravi et agréablement étonné de trouver un potentiel acheteur en un laps de temps si court. Alfredo Stranieri, la quarantaine ténébreuse et d’origine italienne, est un homme affable et charmeur. Il se porte acquéreur le 20 octobre 1997 sans même discuter le prix et propose de payer en argent comptant. Les choses s’enchaînent rapidement et le 7 novembre 1997, le couple Girard/Adman et leur acheteur signent devant un notaire un bail de gérance.
Ce qu’ils ignorent à ce moment, c’est qu’un ignoble piège est en train de se refermer sur eux. Stranieri n’a en réalité ni travail ni argent et acheter une discothèque miteuse et has been à 427 000 euros serait la dernière chose à laquelle il songerait. Non, il a sa petite idée derrière la tête : l’avoir sans débourser un centime.
Cinq jours après la signature du bail, Alfredo Stranieri achète sous une fausse identité une carabine 22 long rifle, un silencieux et une lunette de visée. À partir du 10 novembre 1997, ni Nathalie Girard ni Frédéric Adman ne donneront plus signe de vie, laissant leur famille dans le doute le plus complet.
Rapidement, Alfredo Stranieri s’approprie les lieux. Il utilise les carnets de chèque de Nathalie et Frédéric et effectue plusieurs débits sur leurs comptes bancaires avec leurs cartes de crédit, allant jusqu’à vider entièrement leurs comptes courant. Avec cet argent, il achète des vêtements de marque, invite sa femme au restaurant et lui fait cadeau de bijoux coûteux. Dans la foulée, il crée également la société SAR (Stranieri Alfredo Restauration) et commence à usurper l’identité de Frédéric Adman.
Dans la matinée du 13 novembre 1997, une voisine remarque que des travaux vont bon train dans le jardin de l’établissement. Elle voit là une camionnette transportant du gros matériel, des sacs de ciment, une pelleteuse et des ouvriers assis devant la porte. Stranieri, toujours là quand il le faut, va à la rencontre de la voisine et se présente comme étant le nouveau propriétaire des lieux.
« Je suis en train de faire des travaux, l’endroit a été un peu négligé par les anciens proprios, je ne vous cache pas qu’il y aura un peu de tapage, mais je vous promets que ça ne sera pas long ! »
En réalité, tout cela est un miroir aux alouettes. Stranieri a épuisé toutes les économies du couple qu’il vient d’éliminer sans scrupules et il se retrouve à nouveau à court d’argent. Alors, il songe à la victime suivante et pour cela, il consulte le journal, le regard furetant la section « Annonce des professionnels ».
Alfredo Stranieri a sa technique à lui pour repérer ses proies, ce sont souvent des personnes de bonne foi, crédules et pas très chicaneuses. Stranieri les flatte, les charme avec son accent italien, n’hésitant pas à entrer dans un véritable jeu de séduction avec eux jusqu’à ce qu’ils soient d’accord.
Il soigne son apparence, prétend être un homme d’affaires, un self-made man, un autodidacte parti de rien et qui a fait fortune. Avec ses victimes potentielles, il se comporte en ami, devient familier, propose ses services en tous genres, s’incruste habilement dans leurs existences avant de refermer le piège sur eux au moment opportun.
En décembre 1998, alors que Claude et Andrée Girard recherchent encore activement leur fille et leur gendre, Simon Cohen, trente-cinq ans, propriétaire de deux magasins de prêt-à-porter en région parisienne, dépose une petite annonce dans la rubrique des particuliers : il souhaite vendre sa voiture, une Jaguar décapotable achetée sur un coup de tête deux années auparavant et dont il a fini par se lasser.
Simon regrette à présent cet achat un peu trop impulsif dont il a n’a pas mesuré les conséquences à long terme : l’entretien global de sa voiture lui coûte mensuellement près de 2 500 euros, sans compter les frais de vignette et de carte grise, un véritable gouffre financier. Après mûre réflexion, il prend la décision de s’en défaire, quitte à la céder à un prix compétitif.
Un certain Frédéric Adman l’appelle et se dit vivement intéressé par l’achat de la voiture. Les deux hommes conviennent d’un premier rendez-vous un samedi après-midi près dans la boutique de Simon Cohen située à Rosny. Vous l’aurez compris, l’homme qui se fait passer pour Frédéric Adman n’est nul autre que Alfredo Stranieri.
Sur place Stranieri/Adman regarde la voiture sous toutes les coutures et pose toutes sortes de questions techniques auxquelles Simon Cohen répond avec tact et patience. L’acheteur se dit conquis, d’autant plus que le prix l’intéresse aussi. Simon Cohen, grâce à sa longue expérience dans le domaine du marketing et du commerce textile, exige par mesure de prudence une garantie.
Sans hésiter, Stranieri sort le chéquier de Frédéric Adman et lui fait un chèque de garantie, en attendant de réunir la somme globale les prochaines semaines. Simon Cohen est d’accord. Marché conclu !
Début janvier, les deux hommes se retrouvent à la station-service du Pont d’Orly afin de finaliser le compromis de vente. Stranieri/Adman se montre mal à l’aise et ne cesse pas de jeter des coups d’œil nerveux à sa montre : apparemment son banquier a du retard, lui-même est pressé. Il demande alors à Simon Cohen de le rejoindre au « New Love ».
Arrivé sur place à bord de sa Jaguar, Simon Cohen commence à s’impatienter un peu, et pour cause, il n’y a toujours pas de nouvelles du banquier censé s’occuper de la transaction. Stranieri parfaitement détendu propose de lui faire visiter les lieux en attendant. Le jeune homme, bien que de plus en plus contrarié par la tournure des choses, accepte de le suivre à l’intérieur, bon gré mal gré.
Précédé de Stranieri, Simon Cohen fait le tour du jardin avant de descendre voir la discothèque dans le sous-sol. Et ça traîne et ça traîne, et il trépigne à présent d’impatience, montre des signes manifestes de contrariété, mais son interlocuteur ne semble pas dérangé pour autant. Il insiste même pour lui montrer le mécanisme des boules à facettes multicolores, Simon Cohen soupire d’impatience, hoche la tête, pas vraiment intéressé.
— Bon, Monsieur Adman, ce n’est pas tout ça, mais je dois absolument rentrer sur Paris, j’ai un rendez-vous absolument important avec mon…
— Ah ces parisiens, toujours à courir, toujours pressés ! Un peu de calme, c’est mon banquier et je le connais, il va finir par arriver, je vous le dis ! Là, un petit coup en attendant ?
— Non, merci, mais je ne bois pas pendant la journée !
— Ah bah mince, j’oubliais, c’est le shabbat chez vous aujourd’hui, eh ? Mazel Tov ? Héhéhé !
— Euh, je vous demande pardon ? Il a déjà presque une heure de retard, vous trouvez ça normal, vous ?
— Bon ! Je vais passer un coup de fil, soupire Stranieri/Adman.
Laissant le jeune homme-là, Stranieri va mettre un fond de musique, éteint les lumières, allume la boule à facettes avant de se saisir de son fusil et revenir sur la piste de danse.
Simon Cohen, désorienté par l’obscurité soudaine, se tourne et se retourne dans le noir, appelle « Monsieur Adman, où est-vous ? » quand subitement, il se retrouve nez à nez avec une carabine 22 long rifle pointée sur lui. Simon Cohen ne sait plus comment réagir, ses jambes sont immobilisées par la terreur et la surprise. Il sent une première balle lui traverser la peau, puis une deuxième, il hurle de douleur face à un Stranieri au regard fixe et mauvais, voulant à tout prix l’achever.
En tout, il reçoit trois balles dans les organes vitaux, une dans la poitrine, une deuxième dans l’abdomen et une dernière dans le bras gauche.
« J’ai senti des brûlures me transpercer, je rentrais dans un cauchemar. »
Comble de l’horreur : Stranieri a pris soin de fermer toutes les issues à double tour. Perdant beaucoup de sang, la tête de plus en plus embrouillée, Simon Cohen aperçoit tout de même un rayon de lumière par une ouverture. Avec la force que confère le désespoir, il se met à courir de toutes ses forces, ignorant le sang qu’il perd à chaque mouvement, à chaque effort fourni.
À bout de souffle, il monte précipitamment un escalier qui donne vers la cuisine, descend encore un autre escalier avant de se retrouver dans un petit jardin avec un muret, heureusement suffisamment bas pour être enjambé. Rassemblant ses dernières forces, Simon Cohen l’escalade avant de tomber en plein dans le jardin des voisins.
Le blessé perd connaissance. Les secours arrivent pour l’emmener d’urgence à l’hôpital. Grièvement blessé, luttant entre la vie et la mort, Simon Cohen finit par s’en sortir miraculeusement mais reste longtemps plongé dans un coma artificiel.
Une enquête est ouverte pour tentative d’homicide volontaire. Pourtant Stranieri n’éveille pas les soupçons des gendarmes et ne fait pas l’objet de recherches. De son côté, le fait divers ne fait pas la une de la presse. Simon Cohen, bien que survivant à un tel carnage, n’intéresse pas vraiment grand monde.
Stranieri regrette amèrement son coup raté. Si ça trouve, le propriétaire de la Jaguar, à défaut de mourir, serait capable de parler dès qu’il aura retrouvé ses esprits, et ça en sera fini pour lui, il avouera tout, il sera jeté en prison pour le restant de ses jours !
Alors il décide de prendre la fuite quand il entend les sirènes des ambulances transportant sa victime s’éloigner. Dans la discothèque, il laisse l’arme du crime, la 22 long rifle. Il décide de mettre le cap sur le sud pour des raisons que l’on ignore. Pendant le trajet, il donne rendez-vous à sa femme sur un parking d’un supermarché ; cette dernière arrive, chargée d’un sac de vêtements de rechange.
Elle lui donne aussi de l’argent liquide retiré avec la carte de crédit de Nathalie Girard. Le couple Stranieri se sépare à ce moment et Alfredo continue sa route vers la Provence. Il traverse toute la France à bord de sa voiture. Il s’arrête en cours de chemin chez son frère cadet, Mario, pour lui prendre ses papiers d’identité.
À partir de ce moment Alfredo devient Mario. Mais l’argent file vite pendant le trajet et bientôt, il n’a plus rien pour vivre une journée de cavale supplémentaire. Le moment est venu de mijoter un nouveau coup. Stranieri récupère Le Midi Libre laissé sur la table d’une station-service et parcourt attentivement les petites annonces des particuliers.
Une offre de professionnels attire particulièrement son attention : l’Auberge de la Bouriatte dans un petit hameau de l’Aveyron, tenu par Nicole Rousseau et son compagnon Claude Mouly. La propriété est à vendre pour la somme de 4 millions de francs. Stranieri entoure l’annonce avec un stylo rouge. Il y fonce.
Source : scenedecrime
Début avril 1999, on le trouve déjà installé dans une dépendance de l’auberge et déjà en très bons termes avec le nouveau couple qui l’a accueilli comme une vieille connaissance. L’endroit est idyllique, alliant charme provençal à l’ancienne et confort des temps modernes. Mais il se trouve que les propriétaires, Nicole Rousseau et Claude Mouly, sont en plein rupture sentimentale, même s’ils continuent à se parler et à travailler ensemble dans leur auberge.
Sexagénaires, déjà parents de grands enfants chacun de leur côté, ils ont cru à ce projet hôtelier qu’ils ont entrepris ensemble avant de se heurter à des difficultés financières sans précédent. Souffrant de la concurrence d’établissements voisins, recevant de moins en moins de clientèle, même saisonnière, le couple décide d’arrêter l’aventure et de se séparer de son établissement. Les 4 millions de francs demandés ont fait fuir bon nombre d’acheteurs avant que cet homme, ce Mario Stranieri, arrive au bon moment.
Le compromis de vente prenant beaucoup de temps, le nouveau personnage joué par Alfredo Stranieri, toujours aussi affable et agréable, est rapidement adopté par le couple d’aubergistes qui le prennent rapidement en amitié. Autre chose, Claude Mouly et Nicole Rousseau ne veulent surtout pas perdre cet acheteur qui semble bien sous tous rapports et prédisposé à leur acheter leur propriété, et surtout, payer en argent comptant.
Séducteur indécrottable, Stranieri sait user et abuser des sentiments des gens, il a l’habileté pour trouver les mots et les gestes adéquats pour convaincre et qui permettent à son interlocuteur d’être immédiatement rassuré et même carrément subjugué par lui. C’est un personnage qui peut se montrer avenant et très chaleureux, du moins artificiellement, suffisamment crédible pour être cru par tous ceux qui croisent son chemin. C’est cela son secret.
La journaliste Patricia Holderbach dit à son sujet : « Il rentrait dans le paysage pour devenir presque naturel et quand les gérants sont partis, ça n’étonnait personne qu’il soit là. »
Le 1er avril 1999, une promesse de vente est enregistrée chez le notaire entre les deux parties. Après la signature du compromis de vente, Stranieri s’engage à remettre à Nathalie Rousseau l’avance de 200 000 francs en chèque. Ce chèque ne sera jamais retrouvé.
Quatre jours plus tard, juste après les signatures dans l’étude du notaire, Nicole Rousseau appelle sa sœur pour lui dire que Alfredo Stranieri a finalement changé d’avis au sujet du chèque et souhaite à présent compléter le prix avec des bons du trésor anonymes. Sa sœur, très embêtée, lui conseille la prudence, si ça se trouve, ça pourrait être quelqu’un de pas net du tout, un escroc…
Nicole Rousseau en veut presque à sa sœur de critiquer les décisions qu’elle prend, elle est bien trop dure avec Monsieur Stranieri qui ne mérite pas qu’on pense qu’il est un voleur !
Quelques jours plus tard, exactement comme le couple de Nathalie et Frédéric Adman, Nicole Rousseau et son ami finissent par disparaître aussi sans laisser de trace, sans raison valable, et encore une fois sans prendre la peine d’aviser leurs enfants.
Le lendemain, Stranieri appelle sa femme pour lui demander de lui ramener des affaires restées au New Love, il lui demande de louer une camionnette pour cet effet. Elle s’exécute.
Pendant ce temps, Corinne Mouly, la fille de Claude, cherche activement son père dont elle n’a plus de nouvelles depuis bientôt deux semaines maintenant. Avec le même acharnement que Claude Girard pour retrouver sa fille deux ans plus tôt, Corinne remue ciel et terre. Elle demande un congé maladie à son travail et se rend dans l’Aveyron pour voir ce qui se passe réellement.
Elle trouve Stranieri sur place, se pavanant comme un propriétaire. Corinne Mouly ne le sent pas dès la première minute. Elle insiste pour entrer à l’intérieur. Les lunettes de vue et les médicaments contre le diabète de son père sont retrouvées bien en vue sur une commode. Elle sait qu’ils représentent quelque chose de vital pour lui, il ne peut pas bouger sans les mettre dans une sacoche et les emporter. Elle demande alors avec autorité à Stranieri :
— Qu’avez-vous fait de mon père ?
— En voilà une question ! Votre père est parti avec votre belle-mère prendre l’air ailleurs.
— Vous êtes un menteur et je ne vous crois pas !
Les deux se toisent, le regard noir et redoutable d’Alfredo Stranieri plonge cruellement dans celui de Corinne qui, du haut de ses 1,60 m, semble capable de le faire avouer.
Elle continue la provocation :
— Vous les avez tués, n’est-ce pas ?
— Quelle idée ! Je suis incapable de faire du mal à une mouche !
— Je ne dis que la vérité ! Oui, vous les avez tués pour reprendre leur affaire sans débourser un centime !
Bien qu’affichant un air désintéressé, Stranieri émet un rire nerveux. Il se sent constamment épié par la jeune femme qui squatte à présent en camping-car devant l’ancienne propriété de son père afin de lui rendre la vie impossible et épier tous ses mouvements. Avec les moyens du bord, elle a réussi à placer un fil pour écouter ses discussions téléphoniques, elle passe ses journées à l’observer à la jumelle depuis son poste de commande.
Conscient d’être sur écoute, l’assassin commence à codifier ses discussions téléphoniques et ne parle plus qu’en italien lors des échanges avec sa femme pour que Corinne Mouly ne puisse pas comprendre.
Pendant ce temps à Bordeaux, Claude Girard apprend l’homicide manqué de Simon Cohen et de la fusillade engagée contre sa personne dans la discothèque du New Love, sous fond d’une histoire de vol de Jaguar. Claude Girard ne sait pas pourquoi, mais il fait tout de suite le lien entre la mésaventure de Simon Cohen et la disparition suspecte et inexpliquée de sa fille et de son gendre, qui ont pour toile de fond le même lieu, la discothèque, comme si une malédiction avait frappé ce lieu.
En se basant sur un portrait-robot décrit par Simon Cohen qui garde en souvenir un grand type brun au regard profond, noir et incisif, la police lance un mandat d’arrêt contre Alfredo Stranieri sur tout le territoire français. Après plusieurs jours de cavale dans la région de Capdenac, il est arrêté le 7 juillet 1999.
Source : midilibre
Il est entendu pour la première fois par le juge d’instruction du parquet de l’Aveyron. Dans un premier temps, Stranieri préfère nier les faits. Dans un deuxième temps, alors qu’il apprend par le biais des journaux le triple assassinat d’une famille de la région de l’Aveyron, il décide d’attribuer à un certain Monsieur Van Matt ou Monsieur X comme il l’appelle lui-même, les deux doubles crimes qui lui sont reprochés. Sauf que, lors des faits, ce Monsieur X était déjà mort depuis un an déjà et enterré aux États-Unis, son pays de résidence.
Stranieri qui veut aller jusqu’au bout de son mensonge rédige tout de suite un mot destiné au juge d’instruction où il le somme de « prouver que Monsieur Van Matt est encore bien vivant et qu’il est le seul et unique responsable de la mort des couples Adman/Girard et Mouly /Rousseau. ». Sa demande est instantanément rejetée.
Les histoires des deux familles des disparus commencent à s’emboîter. La police judiciaire de la région parisienne et la brigade de recherche criminelle de l’Essonne se chargent alors de trouver les cadavres des disparus.
Les cadavres de Nathalie Girard et Frédéric Adman sont finalement retrouvés le 19 juillet 1999, enterrés dans le jardin de leur établissement du New Love et dissimulés par une bâche en plastique, tandis qu’en Provence, les restes de Nicole Rousseau et Claude Mouly, le couple d’aubergistes morts assassinés dans l’Aveyron, sont retrouvés le jour suivant, empilés l’un sur l’autre dans une fosse tout près de « La Bouriatte ».
Au terme d’un procès retentissant, Alfredo Stranieri est condamné le 28 février 2003 à la réclusion criminelle à perpétuité. À l’écoute de son verdict, il garde une mine grave et ne fait preuve d’aucune émotion. Il fait tout de suite une demande en appel.
On la lui accorde. En mars 2004, les familles Girard, Adman, Rousseau et Mouly ainsi que le seul survivant de la tuerie du New Love, Simon Cohen, se retrouvent à nouveau devant les assises, contraints de revoir l’assassin qui se complet dans un silence entêté dont il ne veut pas sortir comme lors du premier procès.
Simon Cohen, qui se considère encore comme un miraculé malgré la gravité des coups mortels qu’il a reçus, décide de s’adresser directement à Alfredo Stranieri par le biais d’une lettre ouverte qu’il a rédigé lui-même. Avec des termes simples il lui dit :
« Je vous pardonne malgré tout le mal que vous m’avez fait, mais je m’estime heureux car d’autres n’ont pas eu la chance d’en réchapper. J’ai cependant une requête à vous faire : par égard pour ces parents éplorés et meurtris, dites la vérité pour une fois, je vous prie, avouez que vous êtes le seul et unique assassin dans toute cette histoire et je ne vous demanderai plus rien à l’avenir. »
Ce à quoi Stranieri répond depuis son box, en regardant Cohen bien droit dans les yeux :
« Je vous demande de me pardonner mais comme je sais que cette lettre n’est qu’un stratagème du piètre système de défense de votre avocat, je ne dirai rien qui puisse se retourner contre moi. Je suis innocent, je ne cesse de le répéter, je suis innocent. »
Le procès continue dans une ambiance tendue. L’atmosphère, déjà chargée et électrique, le devient encore davantage lorsque Stranieri saute tout à coup de son box, pointe le doigt sur Claude Girard et l’accuse d’avoir lui-même assassiné sa fille.
Les provocations sont s’enchaîner ainsi jusqu’à la fin de l’audience où le verdict de son premier procès est à nouveau reconfirmé, assorti cette-fois ci par vingt-deux ans de peine de sûreté.
Depuis sa prison en Essonne où il purge sa peine, Stranieri a multiplié les provocations, s’attribuant tour à tour la paternité de l’enfant d’une femme politique française avant de finalement se mettre en couple et épouser un co-détenu lors d’une cérémonie officielle où l’humoriste Dieudonné a accepté de faire office de témoin.
Alfredo Stranieri, hormis son parcours de criminel froid, calculateur et sans scrupules, a aussi retenu l’attention des médias et de la justice par sa volonté à vouloir « se fondre » dans l’existence des autres. Il n’a pas hésité à s’incruster tout doucement dans leur intimité, prenant de plus en plus de place dans leur vie, volant leur identité et leur parcours avant de jouer la carte finale, celle du crime crapuleux.
En prison, on le surnomme « le coucou », comme l’oiseau qui s’accapare le nid des autres pour s’y installer de force.
A la fin des années 90, Alfredo Stranieri tue quatre personnes pour s’installer chez eux, dans leur canapé, à leur place ! Il rencontrait ses victimes via des petites annonces…
Sources de l’épisode :
- Faites entrer l’accusé : Aldredo Stranieri
- Alfredo Stranieri
- Le tueur aux petites annonces demande sa libération
- Fiche criminelle: Alfredo STRANIERI
- La victime miraculée face à Stranieri
- La victoire du père d’une victime de Stranieri