Le mercredi 28 novembre 2007, le charmant petit village de Farbus, situé dans le département du Pas-de-Calais, connaît un sordide fait divers qui ébranle sa quiétude légendaire, et le plonge au beau milieu d’une histoire tout droit sortie d’un polar à deux sous.
Laurence Maille, une charmante jeune femme de 36 ans disparaît subitement sans laisser de traces, alors qu’elle était partie promener son cocker anglais. Le petit animal domestique sera retrouvé plus tard, errant tout seul à plus de 7 km de la maison où vit Laurence avec son jeune compagnon, un certain John Szablewski.
Source : fernsehserien
Le jeune homme et Laurence semblent former un couple incroyablement amoureux et soudé, et John ne cesse de remuer ciel et terre pour retrouver sa douce dulcinée. Pourtant l’homme, visiblement éploré, devient rapidement le suspect numéro 1 dans cette mystérieuse affaire de disparition, lorsque les gendarmes découvrent qu’il y a plusieurs contradictions dans son récit.
Commence alors une longue enquête qui s’étalera sur plus de deux ans, et qui mènera souvent les gendarmes vers de fausses pistes ou vers des impasses.
Toute l’histoire commence par un appel téléphonique très urgent à la Gendarmerie nationale de Farbus, ce mercredi 28 novembre 2007, vers le coup de 19 h 15. L’homme au bout du fil est visiblement ému, parlant avec peine et sur un ton qui ne peut dissimuler sa frayeur :
- Allo ! Allo ! mais répondez donc bon sang ! Allo vous m’entendez ? c’est la Gendarmerie nationale ?
- Oui Monsieur, c’est la Gendarmerie nationale Rue de Saint-Nazaire à Vimy, en quoi pouvons-nous vous aider ?
- C’est… c’est ma compagne ! Elle n’est toujours pas rentrée à la maison et je me fais un sang d’encre, j’ai tellement peur qu’il lui soit arrivé quelque chose ! Ce n’est pas dans ses habitudes et…
- Calmez-vous monsieur s’il vous plaît, je n’arrive vraiment pas à vous suivre ! Vous dites que votre épouse a disparu, c’est bien ça ?
- Oui, oui s’il vous plaît faites quelque chose ! Elle aurait déjà dû être rentrée depuis des heures maintenant ! Elle m’a dit qu’elle allait promener le chien, mais elle aurait déjà dû être à la maison à l’heure qu’il est !
- D’accord ! D’accord ! Essayez juste de vous calmer un peu monsieur, et donnez-moi votre adresse s’il vous plaît ! On va vous envoyer une patrouille sur le champ !
Après avoir communiqué ses coordonnées aux gendarmes, John Szablewski raccroche fébrilement son téléphone et essaye vainement de mettre de l’ordre dans ses idées enchevêtrées. Le jeune homme de 31 ans est littéralement dépassé par les événements, et c’est avec grand peine qu’il peut encore simplement réfléchir. Les pensées se bousculent dans son esprit à plus de 100 km/h, il est obnubilé par une seule chose : sa compagne, Laurence Maille, qui s’est volatilisée.
Une fois sur place, les gendarmes prennent la déposition de John, tout en veillant à le rassurer comme il est d’usage dans ce genre de situation. La famille d’une personne disparue nécessite toujours une bonne dose de savoir-faire psychologique afin d’atténuer le choc et tenter de calmer son inquiétude. Les agents de la Gendarmerie nationale recueillent donc le maximum d’informations auprès du jeune homme, et brossent ainsi très rapidement le tableau des événements.
Selon John en effet, la jeune femme de 36 ans lui aurait indiqué par texto qu’elle allait promener son chien. Le problème, c’est qu’elle n’est toujours pas rentrée à la maison alors que le chien, lui, a été retrouvé par un badaud, errant à plus de sept kilomètres de la maison du couple.
Aux yeux des gendarmes, ces éléments sont suffisants pour lancer immédiatement les recherches. John Szablewski est lui-même assez surpris par autant de vélocité de la part des agents, et ne manque pas d’ailleurs de le leur signaler, le plus benoîtement du monde.
- Je croyais qu’il fallait attendre 24 heures avant de lancer les recherches, non ?
- Ça c’est dans les films américains monsieur Szablewski, c’est juste un des nombreux mythes d’Hollywood ! Lorsqu’on veut trouver une personne disparue, on s’y prend le plus tôt possible car plus on attend, plus on diminue les chances de la retrouver.
Les paroles du gendarme sont on ne peut plus logiques et censées, et c’est donc ainsi que le soir même, commencent les recherches de la jeune femme disparue. L’efficacité des forces de l’ordre dans ce genre de cas de figure, ainsi que le professionnalisme et la dévotion dont ils font preuve, forcent en effet le respect. Déjà, le signalement de la jeune femme a été transmis par radio à l’ensemble des éléments de la Gendarmerie nationale, et des barrages routiers ont même été érigés aux points les plus fréquentés.
- Avis à toutes les unités, la personne disparue est une jeune femme blanche faisant 1,66 m pour 50 kg, elle a les cheveux châtains avec de fines mèches blondes ! Au moment de sa disparition, elle était vêtue d’un T-shirt bleu marine à longues manches, d’un pantalon de survêtement noir, de baskettes noires, d’une veste beige très claire, et d’un blouson court de couleur chocolat !
Source : france3-regions.francetvinfo
Pendant ce temps-là, John Szablewski a déjà entrepris d’imprimer et de placarder un peu partout des avis de recherches avec la photo de Laurence, accompagné dans cette tâche par des collègues de travail de sa compagne. Ces derniers se sont en effet joints immédiatement aux efforts de recherche de la jeune femme, après que John les a averti de sa mystérieuse et inquiétante volatilisation dans la nature.
Le groupe de collègues veille jusqu’à tard le soir cette nuit-là, tentant de réconforter un John Szablewski au bord de la crise de nerf. Le jeune homme ne peut certainement pas fermer l’œil de la nuit, et a visiblement besoin d’être accompagné dans ces heures sombres.
- Ne vous inquiétez pas mon cher John, elle doit juste avoir décidé de s’éloigner un peu pour respirer ! Vous savez, son affaire de divorce et la vente de la maison avec toute la paperasse et la pression, pour une jeune femme de son âge, c’est beaucoup !
Mais le lendemain, Laurence Maille n’est toujours pas rentrée à son domicile, et personne ne s’est manifesté suite à l’avis de recherche, placardé un petit peu partout dans le village de Farbus et aux environs. Les autorités locales décident alors d’élargir considérablement les recherches aux alentours de la commune, mobilisant ainsi une armée de plus de cent gendarmes, assistés par des pompiers et des secouristes.
La nouvelle de la disparition de Laurence Maille se répand alors, telle une traînée de poudre au sein de ce petit village de 500 âmes, dont la paisibilité légendaire va être mise à rude épreuve. À l’église ou dans les échoppes du village comme à l’intérieur de leurs chaumières, les Farbusiens ne parlent plus que de cette mystérieuse affaire de disparition, et chacun y va de sa propre théorie.
- C’est cette pauvre enfant qui s’est évanouie dans la nature ! Vous devez sûrement la connaître, elle vient chaque dimanche à la messe !
Et pendant que les discussions et les commérages vont bon train dans le village, les gendarmes organisent de grandes battues avec l’aide de quelques bénévoles, dans les petits bosquets et les campagnes environnantes.
La région de Farbus est très vaste et constituée dans sa majeure partie d’immenses étendues agricoles qui s’étendent à perte de vue. Il faut donc mobiliser le maximum de personnes pour les recherches, et surtout, il faut faire intervenir des hélicoptères pour la surveillance aérienne. Car dans certains champs de blé, la visibilité est quasi nulle et les équipes à pied ne pourront pratiquement rien voir.
Ce sont ainsi de très grands moyens, aussi bien matériels qu’humains, que mettent en place les autorités locales en vue de retrouver la jeune femme disparue. Mais hélas, leurs efforts vont se révéler bien vains, et plus le temps s’écoule, plus les chances de la revoir réapparaître saine et sauve s’amenuisent. Les gendarmes qui connaissent bien cette triste vérité ne cessent donc de redoubler leurs efforts, accentuant les recherches et ne s’accordant aucun instant de répit.
La piste la plus envisageable de sa disparition, jusqu’à présent, est le fait qu’elle se soit blessée lors de sa promenade champêtre avec son chien. Le scenario le plus plausible et le plus espéré aussi serait donc qu’elle soit tombée durant son petit footing, et qu’elle se soit fait une vilaine blessure qui l’aurait immobilisée sur place. Certains sentiers de forêt sont très peu fréquentés et si quelqu’un tombe par malheur dans un de ces endroits, il pourrait y rester pendant de très longs jours avant de rencontrer âme qui vive. C’est sûrement ce qui est arrivé à Laurence, du moins c’est ce que tout le monde espère ardemment, John en tête.
Il suffirait donc seulement que l’on puisse retracer son parcours de jogging pour pouvoir la retrouver. Mais c’est beaucoup plus simple à dire qu’à faire car, en pratique, la jeune dame aurait très bien pu changer de parcours, ou peut-être même qu’elle aurait décidé de pousser ses limites plus loin, et qu’elle soit donc allé beaucoup plus loin que l’on ne pense réellement.
Mais cependant, même en poussant encore plus en avant les recherches, et en élargissant considérablement le périmètre, les gendarmes ne découvrent aucune trace de Laurence, pas même une minuscule brindille cassée, ou un morceau de tissu collé à une branche. Même la brigade cynophile de la police, pourtant équipée des plus fameux limiers de France, n’arrive à rien. Les chiens policiers ne peuvent flairer aucune piste sérieuse, et se contentent de mener leurs maîtres vers des vestiges de randonneurs ou des cadavres d’animaux sauvages.
Et pendant ce temps-là, alors que les recherches battent leur train, John Szablewski n’a de cesse de remuer ciel et terre pour retrouver sa compagne. Le jeune homme s’est décidé à utiliser tous les moyens disponibles afin de faire avancer les recherches ! Il est donc allé voir les médias, comme ultime recours, suppliant presque les journalistes de l’aider pour retrouver sa pauvre femme disparue.
- S’il vous plaît ! Pour l’amour du ciel ! Faites passer son avis de recherche dans vos journaux, c’est le seul moyen de toucher le plus de gens ! Il doit bien y avoir un de vos lecteurs qui l’aurait aperçue dans les bois ou prés de sa ferme ! Un promeneur l’aurait sûrement vue quelque part, elle ne peut pas s’être volatilisée dans les airs tout de même !
Le jeune homme harcèle littéralement aussi les gendarmes, leur téléphonant presque tous les quarts d’heure pour leur demander s’ils ont retrouvé Laurence, ou s’ils ont au moins découvert une piste. L’attitude excessive de John Szablewski peut tout de même aisément s’expliquer, car d’après les dires et les racontars, lui et la jeune femme disparue formaient un couple très heureux et soudé. Il est vrai qu’ils n’étaient ensemble que depuis une année et des poussières, mais tous ceux qui les connaissent jureraient sur la tombe de leurs mères que le couple était uni par des liens très forts et passionnels.
L’excès de zèle de John Szablewski quant à l’organisation des recherches pour retrouver sa compagne est donc indubitablement motivé par un véritable amour, quoique…
Car les enquêteurs commencent sérieusement à douter de l’innocence du compagnon de la jeune disparue. La raison est qu’ils ont trouvé plusieurs zones d’ombre dans son récit. Ainsi, au moment de sa déclaration initiale aux gendarmes, John a incriminé l’ex-mari de Laurence.
- S’il lui est arrivé quelque chose, je ne lui pardonnerai jamais ! C’est son ex-mari je vous dis, ils devaient se retrouver ce soir-là chez le notaire d’ailleurs, pour la vente de la maison. C’est un sale jaloux croyez-moi, il n’aurait pas avalé la pilule que sa femme prenne l’argent de la maison et qu’elle le quitte pour venir vivre avec moi ! Il l’a sûrement kidnappée, ou pire, c’est un vrai malade cet homme-là, il faut l’arrêter !
Les enquêteurs ont bien évidement suivi cette piste pendant un instant, avant de se rendre compte finalement que la relation entre Laurence et son ex-mari était au beau fixe, et qu’ils entretenaient même des rapports très courtois. L’ex-mari n’avait donc aucune raison particulière pour en vouloir à son ex-femme, hormis peut-être le fait qu’elle soit en couple avec un autre.
Décidément, le profil psychologique d’Alain, l’ex-mari, ne correspond pas vraiment à celui d’un amoureux transi, rongé par la haine et la jalousie, et prêt à en découdre par tous les moyens. Non ! Pour les gendarmes, Alain n’est pas vraiment une bonne piste, et il n’a très probablement rien à voir avec la malheureuse disparition de la jeune femme.
Si, à ce stade, les gendarmes voient l’ex-mari comme étant au-dessus de tous soupçons, il en est tout autrement en ce qui concerne John Szablewski. Le tapage médiatique qu’il a instigué et son anxiété de plus en plus exhubérante ont fini par le faire suspecter par les autorités.
Mais en démocratie, on le sait bien, un coupable est innocent jusqu’à preuve du contraire !
Il faut donc des preuves matérielles et substantielles afin de pouvoir confondre le jeune homme, dont le contour psychologique laisse transfigurer un habile manipulateur et un narcissique accompli. Pour les gendarmes, il ne fait plus aucun doute que John Szablewski a quelque chose à cacher, et il le fait bien pour tout dire. Mais l’instinct des fins limiers de la Gendarmerie nationale ne peut pas être berné si facilement. Ces hommes et ces femmes en uniforme possèdent des années d’expérience derrière eux à confondre les menteurs, et ils sont aussi efficaces pour débusquer les affabulations qu’un détecteur de mensonge du FBI.
Alors pour récolter des preuves solides qui leur permettrait de briser la carapace de John et l’obliger à leur révéler ce qu’il est visiblement entrain de cacher, ils demandent à la juge d’instruction chargée de l’affaire de leur signer un mandat de perquisition pour fouiller le domicile du couple.
- Messieurs ! Très honnêtement, je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez fouiller la maison ! La dame a disparu dans la nature, elle était en train de promener le chien et n’est pas revenue ! Vous pensez sincèrement que vous trouverez quelque chose dans son domicile ?
- Madame la juge, nous soupçonnons son compagnon, M. John Szablewski, d’être derrière sa disparition ! Son comportement est très louche et je suis sûr qu’il nous cache quelque chose, mais il nous faut des preuves, on doit fouiller la maison !
- Mais qu’est-ce que vous me chantez-là ? Vous avez bien écrit dans vos rapports préliminaires que M. Szablewski et sa compagne disparue formaient un excellent couple, et que le jeune homme ne cesse d’ailleurs de remuer ciel et terre pour la retrouver, à tel point qu’il vous appelle quasiment toutes les 5 minutes pour savoir si vous avez de ses nouvelles !
- Parfaitement madame la juge, mais l’enquête que nous menons nous incite à penser que tout ceci n’est qu’un simulacre de la verité, et que ce monsieur Szablewski nous cache quelque chose de terrible !
- Humm ! Vous croyez ! Alors qu’il en soit ainsi, je ne vais tout de même pas remettre en doute votre instinct de gendarme, il a déjà fait ses preuves par le passé ! Vous avez votre mandat !
Muni du précieux sésame judiciaire dûment signé par la magistrate, les gendarmes vont alors faire intervenir une équipe spécialisée dans les scènes de crime, avec tout leur attirail scientifique et leurs combinaisons blanches Hazmat. La maison du couple se transforme alors en un instant en une vaste scène de crime avec des rubans jaunes et des petits drapeaux rouges plantés un petit peu partout, tandis que des agents de la police scientifiques analysent consciencieusement les moindres recoins avec leurs matériel high tech.
Le spectacle est vraiment digne d’une série américaine à la NCIS, et chaque recoin du pavillon est ainsi quasiment examiné à la loupe. Mais au premier coup d’œil, on ne trouve rien qui peut être classé comme un indice, ou qui peut incriminer John dans cette affaire de disparition. Il est donc grand temps de passer aux choses sérieuses, en sondant les lieux à l’aide de la fameuse lumière noire.
Car à côté des indices visibles sur une scène de crime, se cachent la plupart du temps des éléments tout aussi essentiels, comme des traces de fluides organiques tel que le sang, la sueur ou le sperme, mais qui sont totalement invisibles à l’œil nu. L’utilisation d’une lampe aux propriétés particulières, appelé communément « la lampe de Wood », permet de les repérer alors très facilement !
La lampe à ultra-violets est donc préparée avec soin. L’intérieur de la maison également, qu’on obscurcit totalement. On met la lampe en marche, toutes les voix se taisent instantanément, et un silence s’abat d’un coup sur les lieux.
Tout d’abord, chacun est captivé par cette étrange lumière qui fait luire les combinaisons des agents et qui rend le blanc de leurs yeux et de leurs dents étincelants de blancheur. Mais, contrairement à ses collègues, l’opérateur de la lampe est plutôt concentré sur les sols de la maison, pointant sa lumière sur les parquets de chaque chambre, examinant au passage les murs et même les plafonds.
Soudain, le jeune agent se fige en plein mouvement, et il crie frénétiquement :
- Chef, chef, par ici je l’ai trouvé ! Oh mon dieu, ça a dû être un véritable bain de sang ! Regardez-moi ça, il y a des litres d’hémoglobine ici, oh mon dieu, quel massacre !
Malgré leur expérience et tout le sang-froid dont ils font habituellement preuve, les gendarmes ont tous blêmi sous le choc de cette découverte. Car devant deux, dans la chambre à coucher qui paraissait immaculée tout à l’heure sous la lumière du jour, apparaissent désormais d’innombrables taches de sang. Il y en a pratiquement partout sur le sol, mais aussi sur les murs et même au plafond, où on peut clairement distinguer les éclaboussures sous la lumière noire.
Mais c’est le lit conjugal qui est le plus terrifiant à voir, car les draps soigneusement faits n’arrivent pas à recouvrir l’immense tache de sang qui macule le sommier.
Les gendarmes devraient être heureux d’avoir enfin trouvé un indice plus que substantiel. Mais en vérité, ils sont plutôt pétrifiés devant ce spectacle macabre, et vraiment désolés aussi pour la jeune femme disparue, car ce sang ne peut être que le sien.
Source : betaseries
Effectivement, comme le confirment très rapidement les analyses faites par le labo scientifique de la Gendarmerie nationale, c’est le sang de la pauvre Laurence Maille qui macule la chambre à coucher. On en retrouve également dans le véhicule de John, en bien moindre quantité certes, mais c’est bel et bien le sang de la jeune femme disparue.
Nous sommes au petit matin du 5 décembre 2007. Les traces de sang de Laurence Maille, trouvés en abondance dans la maison où elle vivait avec John, ne laissent rien présager de bon. Les chances de retrouver la jeune femme vivante ont fondu comme neige sous le soleil. Maintenant il est grand temps de confondre John Szablewski avec les preuves irréfutables que les gendarmes ont mis au jour.
- Alors Monsieur Szablewski, est ce que vous pouvez nous expliquer d’où provient tout le sang que nous avons retrouvé dans votre chambre à coucher et sur le lit ?
- Euh… mais enfin vous savez bien… s’il y a du sang sur le lit, c’est qu’elle avait probablement ses règles.
- Bien sûr ! Comme toutes les femmes en ce bas-monde ! Mais monsieur, il faut savoir que la quantité d’hémoglobine qu’on a découverte dans la chambre est extrêmement disproportionnée par rapport à ce que vous tentez d’insinuer. En fait, il y a tellement de sang que l’on se serait cru dans un abattoir ! Et malgré le fait que vous avez extrêmement bien nettoyé le lit et la chambre, la technologie a joué contre vous et la lumière noire a pu faire ressortir toutes les taches de sang de votre compagne. Vous pensiez avoir dissimulé les traces de votre forfait en frottant les murs et les planchers comme un forcené, mais la lampe à ultra-violets a révélé votre sale petit secret n’est-ce pas ?
John Szablewski n’écoute plus les derniers mots du gendarme. Il pense à la prison, il pense au cataclysme judiciaire qui va s’abattre sur sa pauvre tête ! Il pense à une cellule miteuse d’un pénitencier de campagne, où le froid et l’ennui seront ses seuls compagnons. Il pense également à sa compagne disparue, la pauvre Laurence, dont les trois syllabes de son nom ne cessent de se répercuter à l’intérieur de ses tympans, comme si des millions de voix à l’intérieur de sa tête scandaient son nom en même temps… LAURENCE… Où est LAURENCE ? LAURENCE…
- Dites-moi où est-ce que vous cachez Laurence, et je vous assure Monsieur Szablewski que vous ferez face à plus de clémence de la part des magistrats lors de votre procès. Allez ! Dites-moi simplement où elle est ! Où est-ce que vous avez mis LAURENCE ?
John sursaute au nom de sa compagne ; perdu dans ses pensées, il avait cru l’entendre dans sa tête. Il regarde le gendarme, comme s’il venait juste de se réveiller d’un rêve étrange, et prenant une grande inspiration, il ouvre enfin la bouche.
- Je vais vous dire moi, où est Laurence ! Elle est morte et enterré Laurence ! Elle repose à six pieds sous terre, et c’est moi-même qui l’y ai mise là-bas !
- Pouvez-vous nous indiquer l’endroit exact où vous l’avez inhumé ?
- Bien sûr, je n’étais pas ivre tout de même ! Je pourrais vous y emmener les yeux fermés, c’est à seulement quelques kilomètres d’ici. Mais je dois vous prévenir que ce n’est pas moi qui l’ai tué. Elle se l’est fait toute seule ! Elle s’est suicidée voyez-vous, et j’ai complètement paniqué quand je suis rentré à la maison et que j’ai vu tout ce sang et son corps sans vie ! Je me suis dit que l’on m’accuserait à tort de l’avoir tuée, vous comprenez ?
- Je vous en prie, continuez !
- Ben là, y a rien à ajouter ! J’ai vu le sang je me suis affolé, j’ai pris son corps et je l’ai amené au bois de Vimy ! J’ai réussi à creuser un trou avec le peu de force qu’il me restait, et j’y ai dissimulé le corps de Laurence ! C’est la vérité, je ne vous mens pas ! Je peux vous montrer l’endroit maintenant si vous voulez.
L’horloge affiche deux heures du matin, mais l’urgence de la situation est telle que l’on réveille la juge d’instruction. Tout ce beau monde se dirige donc vers le bois de Vimy, une vieille forêt domaniale composée en grande majorité de chênes et de hêtres imposants et plusieurs fois centenaires.
Cette large forêt s’étend sur le territoire de plusieurs communes : Angres, Bailleul-Sir-Berthoult, Farbus, Givenchy-en-Gohelle, Neuville-Saint-Vaast, Souchez, Thélus et Vimy. Elle est en partie interdite au public, parce que non encore déminée. Le vieux bois a été, en effet, le théâtre de violents combats pendant la Première Guerre mondiale, et il s’y trouve encore aujourd’hui des centaines d’obus chimiques non explosés, enfouis dans le sol et qui présentent donc un sérieux risque pour les riverains.
Mais John sait très bien où aller, et malgré l’obscurité glauque et opaque de cette nuit sans Lune, il finit par amener le groupe jusqu’à l’endroit précis où il a enterré le corps de son amie.
- Voilà, c’est ici ! Son corps est juste là, sous ces fourrés. Faites attention en la déterrant s’il vous plaît, ne lui abîmez pas son beau visage avec vos outils !
Bientôt, sous les coups de pelle énergiques des gendarmes, on peut voir le bout de ce qui semble être un sac en plastique. Délicatement, les agents retirent la terre restante et exhument le corps de la pauvre jeune femme, dont les affres de la souffrance et de la douleur les plus atroces sont restés marqués sur son visage en une ultime grimace tordue. Elle devait avoir beaucoup souffert avant de mourir ! Ses pieds et ses poings sont liés avec du ruban adhésif ! Tous les regards se tournent vers John, qui affiche un air abattu, totalement affligé, et qui commence à pleurer comme une madeleine ! Il déclame d’un air pathétique :
- Oh mon petit poussin, quel malheur s’est abattu sur nous ! Je suis tellement désolé pout tout ! J’aurais dû être là avec toi, tu le méritais ! Oh non, non, oh mon dieu s’il vous plaît, non !
C’est là une belle tentative de paraître innocent, se disent alors les gendarmes. Il joue la comédie alors même que c’est lui qui a mis sa compagne sous terre. Que va-t-il encore inventer cette fois pour se disculper, tandis que les preuves matérielles les plus irréfutables s’accumulent contre lui.
- Alors monsieur Szablewski, vous dites que ce n’est pas vous qui l’avez tuée, mais nous sommes bien d’accord que c’est vous qui l’avez mise sous terre. Cela s’appelle une dissimulation du corps de preuves dans le Code pénal ! Et même dans le cas, très improbable soit dit en passant, où vous ne l’auriez pas tué vous-même, vous êtes d’ores et déjà passible d’une lourde peine pour la dissimulation de son corps. Une coopération de votre part à ce stade de l’enquête ne vous sera que bénéfique, croyez-moi sur parole quand je vous le dis ! Et ça pourra peut-être même vous éviter un long séjour en prison, pensez-y seulement !
Ainsi donc, John Szablewski affirme qu’il a peut-être bien dissimulé le corps de sa compagne, mais qu’il est totalement étranger à sa mort. C’est donc la parole d’un vivant contre celle d’une personne décédée, mais c’est le médecin légiste qui aura finalement le dernier mot.
L’autopsie du corps de Laurence Maille révèle en effet des traces flagrantes de strangulation, ce qui correspond en partie aux déclarations de John, selon lesquelles la jeune dame se serait pendue avec un fil de fer.
Source : planetepluscanada
Le fait d’avoir dissimulé le corps, donc d’avoir cherché volontairement à brouiller les pistes va être reprochée à John, et non pas un meurtre, du moins c’est ce qu’il croit, ou ce qu’il espère !
Car ni les gendarmes ni la juge d’instruction ne sont dupes. Et pour être totalement clair, personne à ce stade ne croit plus un mot de ce que raconte le jeune homme. Il y a bien des traces de strangulations en effet, mais il y a aussi des traces de commotions sur la tête de la jeune femme, ainsi qu’une multitude d’ecchymoses sur son visage. Ces nombreuses blessures sont probablement à l’origine de tout le sang retrouvé dans la chambre à coucher du couple, ainsi que sur leur lit conjugal. Laurence ne peut pas s’être fait ces graves blessures toute seule, elle ne s’est tout de même pas prise la tête dans ses mains et a commencé à se la cogner contre les murs ! Quelle absurdité !
Et pour finir, il y avait la question de ces médicaments, Le Zolpidem, un puissant sédatif retrouvé dans le corps de Laurence Maille en quantité six fois supérieure à la dose thérapeutique. Cependant, ces médicaments n’ont jamais été prescrits à la jeune femme, mais plutôt à son compagnon, puisqu’on en a retrouvé les ordonnances. John a donc drogué sa compagne, dans le but très probablement de préparer son vil méfait.
Cela ne fait donc aucun doute pour les gendarmes, tout comme pour les magistrats : ils ne croient pas un seul instant que la jeune femme se soit elle-même donnée la mort, et surtout pas de cette façon horriblement barbare. Il s’agit-là d’un meurtre en bonne et due forme, et John Szablewski est le principal suspect. Il est donc incarcéré et placé sous les verrous en attendant que l’enquête dispose de plus d’éléments pour faire débuter son procès. Il est accusé du meurtre de sa jeune compagne et d’avoir dissimulé son corps afin de brouiller les pistes. Mais le jeune homme n’en démords pas de son histoire à dormir debout, et continue toujours de plaider son innocence, les larmes aux yeux. Tout le monde sait que ce ne sont que des larmes de crocodiles, car à ce stade de l’enquête, il est clair et net que ce manipulateur est tout bonnement en train de mentir. Car il a bien trouvé ses aises en détention, et entre deux séances d’entraînement, il finit par élaborer un autre plan pour se sauver de son pétrin.
- Écoutez-moi ! Je vais vous dire ce qui s’est vraiment passé cette nuit-là ! Il faut me croire parce que je n’ai plus rien à perdre ! J’ai gardé le silence car j’avais peur, mais là, je risque de croupir en prison pour le reste de ma vie, pour un crime que je n’ai même pas commis. Ce n’est pas moi qui ai tué Laurence, c’était ce sale nabot de Marcello. c’est un criminel endurci qui opère avec ses amis à Lens ! Il m’a approché un jour pour me mêler à ses petites manigances, mais j’ai refusé. Et pour se venger, il est venu avec ses copains et ils ont tué ma chérie ! Ces sales assassins ! Ils n’ont eu aucune pitié ! J’espère qu’ils pourriront en enfer !
Bien que cette histoire ne trouve sa place dans aucun scénario logique, les gendarmes ne la négligent pas pour autant, et entreprennent de chercher ce Marcello et sa bande. Ils gaspillent ainsi un temps fou à chercher quelqu’un qui n’existe même pas, tandis que John Szablewski s’amuse à les voir se démener ainsi, au milieu de ce patchwork de mensonges qu’il a réussi à tisser. Entre temps, il continue de soumettre à la justice des demandes de remises en liberté provisoires, qui lui sont toutes refusées.
Le procès de John Szablewski démarre finalement au mois de mars 2011, à la cour d’assises du Pas-de-Calais, dans une ambiance quasiment électrique. L’anxiété générale est palpable au tribunal, aussi bien chez les parents et amis de la défunte Laurence Maille que chez les magistrats et même les membres du jury. Seul l’huissier de la cour, qui affiche un air austère, semble ne pas être affecté par cette atmosphère lourde qui emplit les lieux.
L’avocate des parents de Laurence, Maître Marianne Bleitrach, sait que cela sera une tâche difficile de faire sortir la vérité de la bouche de John. S’adressant en aparté avec Maître Julie Gorny, l’avocate de l’accusé, elle lui dit très franchement :
- Vous savez, les parents de Laurence sont très âgés et tout ce qu’ils souhaitent, c’est de connaître les circonstances et les causes de la perte de leur fille unique. Mais je crains sincèrement qu’ils ne connaissent jamais la vérité ! On a affaire au roi des menteurs en personne ! Il me rappelle beaucoup David Hotyat !
Ces aveux se répercutent dans la salle d’audience silencieuse, telle une pluie de grêle, provoquant l’indignation de l’audience et son horripilation. La mère de Laurence, une pauvre vieille dame de 80 ans qui n’en peut plus d’entendre les détails affreux de la mort de sa fille unique, finit par piquer une crise. On appelle le SAMU, car la pauvre dame fait une syncope, et il faut l’évacuer d’urgence du tribunal car on craint que les émotions ne finissent par la tuer.
John avoue avoir tué sa compagne, mais selon lui, ce n’était pas prémédité, c’était juste un accident. Il la tue mais sans le faire exprès ! Cela s’appelle un meurtre, pas un assassinat. En effet, un assassinat est un meurtre prémédité, commis en pleine connaissance de cause et qui a été préparé en amont, donc plus grave qu’un meurtre. Or, la peine encourue pour un meurtre est bien moindre que pour un acte prémédité.
Mais l’avocat de la défense ne gobe pas pour autant cette version des faits, qui pourrait faire une grande différence au niveau du verdict de ce procès. Pour lui, ce n’est là qu’une tentative de flouer son monde encore une fois, et d’essayer d’avoir la peine minimale pour son crime ignoble. Le magistrat demande donc la peine la plus lourde pour l’accusé, qui selon lui ne mérite aucune pitié de la part de la justice.
Source : rance3-regions.francetvinfo
Après trois jours de procès et plusieurs heures de délibération, les jurés sont prêts à rendre enfin leur verdict.
- Monsieur John Szablewski, la cour vous déclare coupable pour le meurtre de Madame Laurence Maille et la dissimilation de son corps, dans la journée du mercredi 28 novembre 2007. Pour ce crime ignoble et inhumain, on vous condamne ce jour à 30 ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté de 20 ans. La cour est levée.
Un grand soulagement s’abat alors sur l’audience, crispée pendant tout l’énoncé du verdict.
- Enfin, le meurtrier va payer pour son terrible crime !
- 30 ans de prison ? C’est bien peu, on aurait dû le condamner à la prison à vie, ou même pire, à la chaise électrique si vous voulez mon avis !
- Il a 31 ans le pauvre ? Eh bien c’est bien fait pour lui, il ne sortira de derrière les barreaux que lorsqu’il aura 61 ans. Il vieillira en cellule cet assassin, ce n’est que justice !
Tout le monde y va de son petit commentaire sadique dans un joyeux brouhaha de revanche, mais pour John, toujours immobile dans le box des accusés, le choc de la condamnation l’a plongé dans un profond silence. Le regard hagard, il se fait escorter par les huissiers jusqu’à la sortie du tribunal, où il est remis à la police afin d’être transféré en prison.
Mais le meurtrier de Laurence Maille ne s’avoue pas vaincu pour autant, car quelques jours seulement après le procès, il demande à faire appel de la sentence. Le jeune homme s’en tient toujours à sa dernière version des faits, à savoir qu’il l’a tuée mais que ce n’était qu’un accident. Il espère ainsi encore une fois diminuer sensiblement sa peine, voire même de la commuer en une peine de travaux d’intérêt général.
Cette fois et comme pour le dissuader à jamais de faire appel, l’épée de la justice s’abat encore plus lourdement sur sa tête. Il écope de la même condamnation que lors du premier procès, avec en supplément une obligation de suivi socio-judiciaire d’une durée de 10 ans après sa sortie de prison, ainsi qu’à une amende de 40 000 euros de dommages et intérêts.
Sources :
- Laurence Maille, une Farbusienne de 36 ans portée disparue 28 Novembre
- John Szablewski. Le meurtre aux multiples scénarii
- Meurtre de Farbus : 30 ans pour John Szablewski
- Forêt de Vimy
- Farbus
- Meurtre de Laurence Maille : encore des zones d’ombre malgré deux procès
- L’affaire de John Szablewski
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