Octobre 1977. Un suspect pas comme les autres comparait devant le tribunal de Columbus, dans l’état de l’Ohio, pour séquestration et viols à répétition sur trois jeunes filles qu’il a kidnappées quelques mois auparavant, sur le parking de leur université. Son nom : Billy Milligan.
A y voir de plus près, l’accusé de vingt-trois ans peut ressembler à n’importe quel autre jeune de son âge. Pourtant, après des examens psychologiques approfondis, il s’avérera que Billy Milligan n’est pas la personne que l’on croyait. Car en réalité, il n’y a pas qu’un seul mais bien plusieurs Billy !
L’histoire de Billy Milligan va provoquer une onde de choc aux États-Unis, qui vont, pour la première fois, plonger dans les tréfonds du mystérieux et effrayant trouble dissociatif de la personnalité, ou personnalité multiple !
Source : all-funny
Chez Milligan, on dénombrera plus de vingt personnalités complètement différentes, chacune traînant avec elle son vécu et son histoire personnelle, se manifestant à tour de rôle et prenant de plus en plus d’ascendant sur sa personne, tour à tour protectrices et destructrices !
A ces « alters » comme la science les surnomme, Milligan attribuera même des noms, des tempéraments et des nationalités : filles ou garçons, Américains, Anglais ou tout droit arrivés de l’URSS, ils se prénomment Adalana, Tommy, David, Christopher, Allen, Kristin, Daniel, Arthur ou encore Ragen Vadaskovinic. Obéissant à une sorte de charte interne, ils ont pour obligation de suivre un code de conduite strict et de privilégier les arts, les lettres, les sciences… Billy devient leur objet, leur jouet, qu’ils manipulent à leur guise !
Sans plus tarder, je vous invite à me suivre dans les abysses de la psychologie humaine afin de cerner un peu mieux l’histoire de Billy Milligan, « l’homme aux 24 personnalités ».
Nous sommes en septembre 1977. Des membres de la police de Columbus, en Ohio, viennent toquer à la porte d’un certain William Milligan, un mandat de perquisition à la main.
Le jeune homme qui leur ouvre semble complètement désarçonné quand ils lui annoncent qu’ils viennent fouiller sa maison et qu’il est accusé de graves voies de faits sur trois jeunes personnes, qu’il a séquestrées dans sa cave et violées à répétition. Milligan semble pris au dépourvu ! Quelle histoire de viol ? Les trois victimes, amies et étudiantes à l’Ohio State University ont porté plainte contre lui avec preuves à l’appui.
Le jeune homme de vingt-trois ans est comme pris d’amnésie : il ne se rappelle de rien, absolument de rien ! Il nie tout en bloc, d’avoir été ce jour-là sur le parking du campus de l’université, d’avoir kidnappé ou violé des filles ! Il a envie de pleurer ! Piètre système de défense ! La police ne veut rien entendre, elle le devance et pénètre dans la maison.
Les fouilles commencent et donnent rapidement des résultats : les policiers mettent la main sur tout un arsenal composé de revolvers, de couteaux, de cordelettes, de ruban adhésif, mais ils trouvent aussi et surtout les sacs à main, les portefeuilles ainsi que des accessoires ayant appartenus aux trois victimes, dans la cave de Milligan.
A présent, il ne peut que prétendre à un avocat pour assurer sa défense ! Il est immédiatement menotté et conduit au commissariat. On le prend en photo, relève ses empreintes, et il est transféré la nuit même à la prison d’État de Franklin, en attendant que sa défense puisse se constituer.
Pour ce qui est des preuves qui ont permis de l’incriminer, un prélèvement d’empreinte relevé sur le capot de la voiture de l’une des victimes a suffi à le confondre.
Il faut dire que sans ces trois viols et l’intervention rapide et efficace des enquêteurs, l’histoire de Billy Milligan serait certainement encore inconnue aujourd’hui. Son arrestation va être l’élément déclencheur d’une enquête singulière qui, bien au-delà de l’aspect juridique, va prendre des allures de vrai thriller psychologique.
Mais revenons un peu dans les couloirs froids et les portes grinçantes et automatiques de la prison de Franklin. Billy a passé une très mauvaise nuit, même si ce n’est pas la première fois qu’il dort dans une cellule. Il y a seulement deux ans de cela, il a été arrêté pour vol à main armée et agression sexuelle et a été incarcéré à la Lebanon Correctional Institution. Après quoi, il a été libéré avec l’ordre de venir pointer chaque semaine au commissariat. Quelques jours seulement après sa libération, il a récidivé encore en kidnappant les trois étudiantes.
Milligan se plaint, tourne en rond, étouffe dans sa cellule. Il réclame des cigarettes qu’on lui apporte et dans la journée, un maton le surprend alors qu’il tente désespérément de se pendre avec son drap, et l’arrête in extremis. L’administration de la prison de Franklin décide de présenter Milligan à un expert en psychiatrie, le Dr Willis. C. Driscoll qui sera le premier d’une longue série de spécialistes confrontés au cas « Milligan ».
Résultat des courses : le prisonnier souffrirait d’une schizophrénie aiguë accompagnée de troubles du comportement. Le Dr Driscoll ajoute d’ailleurs que Billy est aussi en proie au « Syndrome de Ganser », trouble psychologique qui se manifeste lors des premiers jours, voire les premiers mois de détention d’un individu.
Mais l’administration pénitentiaire ne s’arrête pas là. Milligan continue à faire des siennes. Durant les jours qui suivent sa première entrevue avec le psychologue, il fait plusieurs autres tentatives de suicide, qui échouent toutes.
On fait donc appel à un deuxième expert, une femme cette fois-ci : Dorothy Turner, tout droit venue du Southwest Community Mental Health Center de Colombus. Cette jeune psychologue, que l’administration pénitentiaire a choisi, est encore débutante mais semble pleine de professionnalisme.
Devant ses yeux, elle a le rapport de son confrère, le Dr Driscoll, qui dresse en détails la pathologie de Milligan, mais aussi le procès-verbal avec les témoignages poignants et détaillés de ses trois victimes.
Source : 10tv
Avant de le rencontrer, l’experte psychologue a pensé avoir affaire à un redoutable agresseur, un maniaque sexuel à l’allure intimidante et perverse. Le jeune homme blond aux traits doux, baissant le regard, que le policier installe sur la chaise en face d’elle, change radicalement toutes les idées préconçues qu’elle s’en est faite : c’est carrément un adolescent, un pauvre adolescent déboussolé et solitaire !
Mais pas de sentimentalisme, cela ne relève pas de ses fonctions, elle est ici pour parler à un dangereux maniaque sexuel qui continue à nier les chefs d’accusation qui pèsent sur lui !
Le Dr Turner pose d’abord quelques questions d’usage à Milligan pour vérifier s’il est sain d’esprit, le questionne sur son âge, son parcours scolaire, le nom de ses parents ; il répond d’une voix grave et précise à toutes les questions sans en esquiver aucune. Lorsque Dorothy lui demande le numéro de sa carte d’identité, c’est une petite voix enfantine qui lui répond, une voix de petite fille boudeuse et contrariée.
Pas démontée pour autant et pensant à une mise en scène, Turner reformule la même question à plusieurs reprises pour voir si Milligan n’essaye pas de se moquer d’elle en agissant ainsi : même elle entend toujours le même babillage, la même petite voix fluette, obstinée et impatiente qui lui répond par le négatif :
— Ze suis Kristin, et z’ai trois ans ! Ze sais pas !
— Mais si tu es Kristin, où est donc passé Billy ? Demande la psychologue.
— Billy ? Bah, il dort !
Les jours suivants, Dorothy Turner découvre avec stupéfaction qu’ils sont bien trois à « se relayer » devant elle à chaque fois qu’elle vient parler avec Billy.
Celui qui semble les dominer tous en monopolisant la parole est bien Arthur, un Anglais à l’accent londonien bien ciselé qui parle de sciences et de lettres et semble avoir une grande érudition en débattant de plusieurs sujets. Quand Billy se met à fumer frénétiquement cigarette sur cigarette, Dorothy comprend alors qu’il s’agit cette fois de Allen, un jeune artiste turbulent et toxicomane, qui adore la peinture et réalise des portraits, et qui se manifeste quand il s’agit de commettre des ignominies et des actes de délinquance. Il déclare d’ailleurs que c’est lui qui a incité Billy à violer les jeunes filles du campus.
Turner a tôt fait de remarquer que Allen prend un malin plaisir à la narguer, et aime jouer avec elle en usant d’humour noir, de blagues salaces et de mauvais goût.
La psychologue est à la fois subjuguée et effrayée parce qu’elle voit et entend. Elle est en train d’assister pour la première fois de sa courte carrière à une démonstration spontanée du trouble de la personnalité dissociée, ou trouble de la personnalité multiple.
Turner va vite se rendre compte, en parlant presque chaque jour avec Milligan, que cette pathologie est caractérisée par une ou plusieurs personnalités complètement différentes prenant le contrôle psychique et moral du sujet malade. Ces personnalités, ou entités, peuvent interagir à tour de rôle, ou au contraire, une prenant l’ascendant sur toutes les autres. Cela sera d’ailleurs le cas avec le Londonien Arthur ; la psychologue va remarquer qu’il a un réel talent d’orateur et qu’il veut toujours montrer qu’il en sait plus que les autres !
Une variation vocale, comportementale, voire même physique, peut intervenir. Dans ce cas, l’adulte masculin, en l’occurrence ici Milligan, peut aisément prendre la voix d’un petit enfant ou celle d’une femme. Cela arrive quand la petite Kristin prend le dessus, toujours quand Billy est au plus mal ou ne se sent pas assez à l’aise avec l’interlocuteur qu’il a en face de lui.
Les réponses données par Kristin sont donc toujours anodines et évasives et servent de paravent ou pour détourner l’attention sur une question trop gênante ou trop douloureuse. Quand Turner lui demande d’écrire quelque chose ou de griffonner sur un papier, Kristin dit qu’elle ne sait pas car elle souffre de dyslexie et qu’en plus, elle est trop petite.
Mais Dorothy Turner est de plus en plus en proie au doute après toutes ces manifestations d’un genre nouveau dans le domaine où elle exerce. Et si c’était un coup monté ? Elle sait que Billy Milligan est très intelligent, et qu’il pourrait facilement peaufiner cette mise en scène pour simuler la folie et ainsi, se faire éviter la case prison.
Pour ne pas laisser planer l’ombre d’un doute, la psychologue décide de réunir les jours suivants un petit comité constitué des avocats de Billy, Gary Schweickart et Judy Stevenson, mais aussi du juge d’instruction chargé du dossier, le procureur Bernie Yavitch et d’une autre spécialiste de renom qui a déjà eu affaire à ce genre de phénomène, le Dr Cornelia Wilbur.
Le souhait de Dorothy Turner est qu’ils assistent tous aux variations de personnalités du prisonnier qu’elle a vues les jours précédents. Le comité d’abord sceptique, surtout du côté de la magistrature représentée par le procureur Yavitch, changera vite d’avis. Pour pallier toute incertitude, une caméra est placée pour filmer l’entrevue en huis-clos. Ce à quoi assiste Bernier Yavitch et son secrétaire leur fait presque perdre l’équilibre de leurs chaises respectives.
Le jour de la première audience est d’ailleurs un désastre : incapable de gérer ses émotions, sous les feux des projecteurs, Billy brandit en bouclier Kristin qui se met aussitôt à pousser des couinements et des sanglots de plus en plus aigus et bruyants.
Toutes les personnes présentes dans la salle sont très secouées de ce qu’elles viennent de voir et d’entendre. Tant que Billy ne pourra pas contrôler Kristin, il est inenvisageable de poursuivre le procès.
La psychanalyste Cornelia Wilbur et la psychologue Dorothy Turner, présentes elles aussi, tentent tant bien que mal de consoler Kristin mais rien n’y fait. Voir ce jeune homme costaud et barbu, pleurant avec la voix d’une fillette de trois ans, est presque une vision de cauchemar !
Lors des prochaines audiences, on demande d’ailleurs à Milligan, eu égard de son état, de se retirer voire de ne pas assister du tout à son procès s’il ne s’en sent pas capable.
Et si le mal de Milligan prenait sa source dans l’enfance ? Pour le savoir, je vous invite à une rétrospective dans la fin des années cinquante.
Billy est né William Stanley Morrison le 14 février 1955 à Miami Beach en Floride. Ses parents sont Dorothy Milligan et John Morrison. Dorothy a déjà été mariée auparavant à un certain Chalmer Milligan dont elle porte toujours le nom.
Avant d’atterrir dans la torpeur et les plages de sable blanc de Floride, Dorothy Milligan a passé sa jeunesse plus au nord du pays, dans le froid et montagneux Ohio. Elle est chanteuse dans les night-clubs et c’est comme cela qu’elle a toujours gagné sa vie, n’en déplaise à tous les hommes qui vont partager son existence et qui lui interdiront d’exercer ce métier jugé trop vulgaire et non approprié pour une épouse.
Elle rencontre John Morrison à la fin des années quarante, ils se marient et ont trois enfants : William dit Billy, James dit Jim et Kathy Jo. Mais rapidement, le couple qu’elle forme avec Morrison s’avère des plus désastreux, aussi bien sur le plan familial que financier.
Il faut dire que ce mariage est un véritable fiasco et pas du tout en adéquation avec cette femme accoutumée à la vie nocturne, un micro dans la main et toute une assistance pour l’applaudir après chaque show.
Du reste, John est devenu de plus en plus taciturne, de plus en plus morose, en proie à la dépression et incapable de s’acquitter des dépenses du foyer. Ses trois enfants l’exaspèrent et chaque naissance l’enfonce un peu plus financièrement. D’ailleurs, l’idée d’avoir une famille nombreuse ne l’a jamais vraiment enchanté ; si cela ne tenait qu’à lui, ils n’auraient eu aucun enfant, mais Dorothy n’en fait toujours qu’à sa tête !
La situation financière des Morrison s’aggrave lorsque John commence à plonger dans l’enfer de l’alcool et du jeu, où il laisse désormais la majeure partie de sa paye, ajouté à des dettes qu’il contracte et qu’il est incapable d’honorer. Le divorce avec Dorothy est alors prononcé, à l’amiable. Elle obtient la garde exclusive des enfants encore très jeunes. Elle décide de plier bagages et de rentrer au bercail, en Ohio, tandis que John reste à Miami.
Pas pour longtemps ; sa dépression finira par l’emporter et il se suicide quelques semaines plus tard, juste après le départ de sa famille. Cette nouvelle choque ses enfants, Billy en particulier, même si, de son vivant, son père n’avait jamais manifesté la moindre attention ou affection à son égard.
Après quelques temps passés à Columbus, Dorothy et ses enfants s’installent dans la petite ville de Lancaster où elle renoue avec son ex-premier mari, Chalmer Milligan, et avec lequel elle se remarie.
La vie de la nouvelle famille recomposée n’est pas sans conséquences sur Billy et sa fratrie. Ils détestent tous les trois leur beau-père, un homme mauvais et misogyne, qui juge qu’une femme n’est bonne qu’à être dans sa cuisine ou derrière une planche à repasser.
Plus grave encore, son attitude à l’égard de ses beaux-enfants se met aussi à changer de manière équivoque et malsaine. Avec Kathy Jo, l’unique fille de la famille, Chalmer commence à se montrer un peu trop entreprenant, mais il se lasse très vite d’elle, surtout qu’elle arrive à se défendre et menace de le dénoncer à la police.
Exaspéré, il jette son dévolu sur le jeune et fragile William, le petit Billy, le chouchou de sa mère, celui qui aime mettre la table, dresser le couvert, ranger les napperons et que le beau-père surnomme méchamment « petite pédale ».
Pendant des années, Chalmer lui fera subir des attouchements sexuels, tout en lui intimant de ne pas en souffler mot à sa mère car cela risquerait de dégénérer et que pour ce fait, il sera envoyé en maison de correction et personne dans la famille ne voudra plus jamais entendre parler de lui ! Pire, il menace même de le tuer et d’enterrer son cadavre quelque part dans la vague campagne. Terrorisé comme toutes les victimes de ce genre de sévices, Billy se tait et subit sans broncher, les viles perversités de celui qui aurait pu être son père de substitution.
On raconte que cette période trouble et dramatique de la vie de Billy coïncide avec la manifestation de ses premières autres personnalités, notamment celle de Kristin, la fillette de trois ans, qui semble toujours en rogne et pleurnicharde, et puis il y a aussi Sean, un petit garçon avec lequel Billy partage ses jeux. Sean a cette particularité d’être sourd et muet, et finira d’ailleurs par disparaître, laissant place à d’autres personnalités au fur et à mesure que Milligan entre dans la phase puberté.
Ce phénomène de dissociation continue crescendo et arrive à son paroxysme une fois à l’âge adulte sans que personne dans son entourage proche ne se rende compte de la gravité extrême de son état. Dans la foulée, sa mère divorce une seconde fois de Chalmer Milligan, et ce dernier quitte la maison familiale pour toujours. Billy, pour la première fois depuis des années, peut enfin pousser un vrai soupir de soulagement. Il ne reverra plus son beau-père, ne vivra plus sous sa menace !
Cependant, la période de l’adolescence est marquée par une longue descente aux enfers, caractérisée par un manque accru d’assiduité à l’école et une tendance à chaparder dans les étals de supermarchés. Billy est alors un jeune garçon troublé, très renfermé, qui ne parle jamais à personne, vivant presque dans un monde parallèle où des voix lui parlent dans sa tête, s’éloignant de plus en plus de son frère et de sa sœur. Seule sa mère Dorothy reste toujours très proche de lui.
Ses petits actes de délinquance le conduisent une première fois en maison de correction.
Le coup de grâce survient en 1975, quand il est incriminé pour vol à main armée et agression sexuelle. Pour ce double méfait, il fait, pour la première fois, connaissance avec le monde carcéral où il est condamné pour une période de deux ans.
Il est libéré en 1977 mais son casier judiciaire porte désormais la mention d’agresseur sexuel. Quelques jours seulement après avoir quitté la prison, il se rend dans le parking du campus de L’Ohio State University. Là, il remarque trois jeunes filles très enjouées, en train de ranger leurs affaires dans le coffre de leur voiture pour rentrer chez elles à l’occasion des vacances scolaires.
Sans hésiter une seconde, Milligan s’élance vers elles, les prenant au dépourvu et avant même qu’elles fassent un geste pour l’éviter, il leur projette une quantité importante de gaz lacrymogène qui les met toutes les trois K.O. Il s’empare alors des clés de contact et démarre le véhicule avec les trois filles à bord. Direction, sa maison. Son alter ego, Allen, guide toute l’opération !
D’abord séquestrées pendant des jours dans la cave, et continuellement violées, les trois prisonnières de Milligan vont vite se rendre compte que la personne qui se présente devant la porte de leur geôle pour leur apporter leurs plateaux-repas n’est pas toujours la même ! Intelligentes et intuitives, les filles devinent rapidement le mal profond dont souffre leur bourreau.
Source : youthincmag
S’il se montre souvent intraitable et d’une violence inouïe avec elles, il a aussi des moments de répit, notamment quand la personnalité d’une petite fille, vous l’aurez compris, Kristin, se manifeste.
D’ailleurs, durant le procès de Milligan, les victimes raconteront que Kristin, bien que craintive au début, a eu vite fait de se montrer gentille, joueuse et coopérative, et que c’est l’une des rares qui ne leur faisait pas peur.
Ce ne sera pas le cas d’Allen, le délinquant consommateur d’héroïne qui, s’appropriant les traits de Billy, se mit à les violer à tour de rôle. C’est celui-là même qui les a le plus marqué lors de leur effrayant séjour chez Milligan.
Lors du procès de Billy Milligan, ses avocats plaident à l’unanimité la folie. A l’issue de l’audience en octobre 1977, il est jugé coupable de trois chefs d’accusation aggravés dont kidnapping, utilisation d’une arme à feu, séquestration et viol.
Jugé incompatible et trop dangereux pour le monde carcéral, il est envoyé dans un centre psychiatrique de haute surveillance, The Worthington Clinic, sorte d’asile pour des patients irrécupérables, souffrant de différentes pathologies graves et ayant commis des crimes par le passé.
La justice espère ainsi que son séjour lui permettra, au vu de sa lucidité, de se remettre en question. Il y reste seulement cinq mois, assez cependant pour faire déclencher d’autres alter-ego en lui. Ce qui se produit lors de ce séjour révèle que ce dont souffre Billy Milligan est complétement différent de ce que la médecine psychiatrique moderne a connu jusque-là.
Durant son incarcération, car c’en est une, son état psychique est au plus mal.
Les murs blancs, cloisonnés, impersonnels et froids de sa cellule lui procurent une angoisse profonde et quasi-permanente, et rien n’y fait : ni les médicaments que les infirmiers distribuent à la ronde et qui ne servent qu’à lui conférer un état de zombie, plus mort que vif, ni les séances avec les psychologues qui viennent un jour sur deux s’enquérir de son état. Comme en prison, Milligan a peur de voir resurgir « ses doubles » qu’il est incapable de contrôler.
Si, jusque-là, nous avons pu faire quelque peu connaissance avec Kristin la fillette, Allen le peintre délinquant, Sean le petit sourd-muet et Arthur le britannique cultivé issu de la haute société, d’autres ne tardent pas à apparaître avec leurs caractéristiques propres, leur sexe féminin ou masculin, leur âge, leur passé, et leur personnalité, bonne ou mauvaise. En tout, elles sont dix personnalités à se partager, pour l’instant, le corps et l’esprit de Billy. Ce dernier les surnomme d’ailleurs « les officiels ».
En règle générale, ces officiels obéissent tous à un même code de conduite, veillant toujours à respecter scrupuleusement des règles telles que la chasteté et l’hygiène très poussée, essayant toujours de ne pas être oisifs et d’avoir l’esprit constamment occupé par une activité physique ou artistique, comme la danse, la peinture ou la musique. Ils se protègent les uns les autres, les adultes veillant sur les petits, les hommes sur les femmes et ainsi de suite.
Aux psychologues qui lui rendent presque quotidiennement visite, Billy commence à évoquer ces nouvelles entités, quand ce ne sont pas elles qui prennent carrément la parole pour parler à sa place.
L’un de ces nouveaux « alter », et des plus marquants, est sans doute Ragen Vadascovinic. Quand ce dernier se manifeste à travers la voix de Billy, il s’adresse directement aux médecins et se déclare comme le chef des « officiels ».
Ragen n’est pas Américain mais Yougoslave, d’ailleurs il a un fort accent d’Europe de l’Est et son anglais est très approximatif. Il raconte qu’il est Serbe puisqu’il s’exprime couramment dans cette langue et écrit parfaitement en cyrillique. Il se définit comme étant un fervent communiste et membre du parti, ancien champion d’arts martiaux ayant gagné plusieurs médailles lors de compétitions en URSS. Il adore les armes à feu qu’il manie à la perfection.
Il avoue qu’il lui est déjà arrivé de voler dans des étalages mais seulement pour survivre ou aider les autres alter-ego de Billy. Il est très protecteur, voire même possessif envers eux, à la manière d’un papa exigeant, et dit être capable d’assurer leur défense en cas de danger. Il prend sous son aile les plus jeunes et les plus vulnérables comme Kristin ou Sean.
Pour ce qui est des viols commis sur les trois étudiantes, Ragen Vadascovinic raconte, une octave plus bas, sûrement submergé par la honte, d’y avoir participé occasionnellement quand il avait consommé du cannabis ou quand il avait un verre de trop dans le nez, et il accuse souvent Allen de l’avoir entraîné et incité à consommer de la drogue alors que, lui, auparavant ne fumait même pas !
Ragen Vadascovinic se manifeste pour la toute première fois lors de l’entrevue organisée par le docteur Dorothy Turner durant laquelle ont pris part aussi les avocats de Billy Milligan, le procureur Bernie Yavitch et la psychanalyste Cornelia Wilbur. Dorothy Turner a eu beaucoup de mal à persuader Yavitch d’y participer car ce dernier ne croyait pas un mot de cette histoire à dormir debout.
Pour ce magistrat âgé et chevronné, ayant l’habitude de voir défiler à la barre toutes sortes de criminels et de maniaques sexuels, Milligan fait partie de ces détraqués et psychopathes et il s’est cru beaucoup trop malin pour échapper à la justice en inventant tout ce scénario tiré par les cheveux de doubles maléfiques parlant comme des bébés de trois ans. Le procureur, comme il a été démontré, changera radicalement d’avis dès la fin de l’entrevue et c’est seulement Ragen qui le fera revenir sur ses suppositions et ses idées reçues.
Coupant soudainement la parole au Londonien Arthur qui, conscient d’avoir un auditoire, aime s’écouter parler et accaparer l’attention de tous avec ses phrases choisies et bien construites, Ragen surgit lorsque Billy retombe dans un état de transe évidente.
L’alter ego s’est proclamé, et devant tous, comme étant le protecteur attitré de Billy Milligan et son porte-parole, mais aussi celui de tous les « officiels ». D’ailleurs, ça sera lui qui évoquera pour la première fois l’épisode tenu secret sur les viols qu’a subi Billy durant son enfance, par son beau-père Chalmer Milligan.
Ragen, prenant son accent slave le plus exotique et d’une voix de basse de plus en plus sévère et menaçante, dit aux avocats et aux psychologues assis en face de lui :
— Vous êtes responsables de ce qui va passer ! Tous les hommes sortir maintenant ! Billy a peur des hommes parce que son père lui a fait mal !
Puis Kristin le relaie, le pouce dans la bouche, sanglotant de douleur, à la manière d’un Billy redevenu en un clin d’œil l’enfant vulnérable qu’il était, incapable de faire face aux assauts de son beau-père.
Au terme de cinq mois désastreux passés au Worthington Clinic, Billy est à nouveau transféré dans un autre asile psychiatrique, moins cloisonné, mais tout aussi étroitement surveillé, The Athens State Hospital.
Lors de son séjour dans le premier établissement, Milligan s’est plaint continuellement du personnel soignant, assurant qu’ils étaient tous peu impliqués dans leur travail et qu’ils le négligeaient volontairement, allant jusqu’à oublier parfois de lui administrer ses doses journalières de psychotropes. Dans le nouveau centre, tout a soudainement l’air plus coloré, vif, joyeux, jusqu’aux uniformes des aides-soignants qui ont proscrit le blanc de leurs tenues pour ne pas effrayer les malades.
Dans le Athens State Hospital, les choses tendent à se transformer positivement ; Billy est pris sous l’aile des médecins et des aides-soignants, on lui fait confiance en lui accordant souvent la permission d’aller se promener tout seul dans le parc de la résidence, de parler avec les autres patients, de regarder la télé tant qu’il le souhaite et de jouer aux cartes ou tout autre jeu de société qui le passionne.
Ce deuxième séjour en psychiatrie, bénéfique et salutaire à ses débuts, va se transformer petit à petit en véritable enfer, pire que le premier, avec l’arrivée inattendue des « indésirables » !
Mais qui sont-ils ? Une deuxième « vague » d’alter ego, plus puissants et plus cruels que jamais, avec cette fois pour mission l’auto-destruction de la personne de Billy. En nombre, ils sont même plus importants que les « officiels » puisqu’ils sont treize ! Ceux-là, Billy les craint plus que tout, d’autant plus qu’ils adorent les objets aiguisés et pointus comme les ciseaux, les couteaux, les lames de rasoir. Souvent ils l’incitent à se couper les veines avec l’un de ces objets, à monter sur le toit de l’hôpital et plonger dans le vide, à faire des nœuds avec ses draps.
Billy est tellement terrorisé qu’il ne peut même pas en parler au personnel soignant. Avec les « officiels », les nouveaux arrivants se livrent une guerre sans merci, tenant tête à Ragen Vadascovinic et sa bande. Parmi ces nouveaux doubles qui se sont appropriés l’esprit et le corps de Billy Milligan, on peut citer :
Phil, une petite frappe originaire de Brooklyn qui a précédemment travaillé avec la mafia ; Kevin, un ancien serial killer et maniaque sexuel reconverti en planificateur de crime organisé et qui se lie rapidement d’amitié avec Phil ; Walter, un tireur à gage australien ; Steven ou Stephen, un imposteur spécialisé dans les falsifications des signatures ; Lee un mauvais plaisantin qui maîtrise l’art de s’attirer des ennuis.
Mais il y a aussi et surtout Adalana, l’une des rares personnalités adultes de sexe féminin, âgée de 19 ans et souffrant vraisemblablement de schizophrénie puisqu’elle peut se montrer aussi ignoble qu’inoffensive, parfois même très douce avec un sens aigu du goût et des belles choses.
On découvre d’ailleurs que, comme Allen, le tabagique indécrottable, elle adore faire de la peinture et veut partager sa passion avec tout le monde ; elle sait aussi faire la cuisine et excelle dans l’art du rangement et de la décoration d’intérieur.
Adalana a fasciné toutes les personnes qui ont étudié le cas de Milligan, par sa complexité et son étrangeté, accentuée probablement par ses penchants lesbiens et sa haine immodérée des hommes et des garçons qu’elle souhaite tous détruire car d’après elle, ils ne font que du mal partout où ils vont ! Lesbienne assumée, elle ne cache pas son amour et son attirance pour les filles, poussant même parfois Billy à caresser les mains d’une infirmière ou l’embrasser sur la bouche. Billy n’ira cependant jamais jusque-là, ce qui aura tendance à exaspérer Adalana.
Malgré son côté obscur et trouble, Adalana a un rapport maternel avec les petits qui sont un peu les chouchous de cette « grande famille » d’un genre particulier. Les enfants, désormais représentés par Kristin mais également par David, Daniel et Chris, trois autres jeunes garçons surgis en même temps que les indésirables, font désormais office de bouclier quand les douloureux souvenirs de l’enfance de Billy ressurgissent.
En tout et pour tout, ils sont bien 23 personnalités à s’approprier le corps et l’esprit de Billy Milligan, une première dans l’histoire de la psychiatrie dans tout ce qu’elle possède de plus inouï et de plus bizarre !
Car avec dix premiers « officiels », Billy se sentait plus au moins protégé. Mais avec les treize nouveaux « arrivants », sa vie est désormais un enfer de chaque instant, de chaque heure et de chaque minute. Alors pour avoir un peu de répit, il dort, déléguant à ses personnalités « protectrices » le soin d’agir comme elles le souhaitent.
Si Arthur le Britannique essaye tant bien que mal de créer une harmonie entre les entrants et sortants, les éléments perturbateurs issus des « indésirables », notamment Phil et Kevin, ne voient pas les choses sous le même angle et font absolument tout le contraire de ce que dicte Arthur. Ils boivent, consomment des drogues dures, font la fête et entraînent parfois Ragen avec eux, cherchant à le rallier à leur cause, mais il ne cède pas !
Allen, le peintre, réalise quant à lui des autoportraits dont l’un rendu très célèbre où l’on voit figurer sept des personnalités de Billy, fidèlement et clairement représentées sur une toile. Pour celles et ceux qui l’ont déjà vue, cette toile tétanise par la force des détails, les expressions faciales des personnalités, leur air figé, et l’usage des couleurs sombres, conférant à cette atmosphère particulière et dérangeante tout le glauque qu’il la caractérise.
Sur cette toile, les sept alter ego arborent un aspect physique, vestimentaire, et ethnique différent. Il y a Tommy, Arthur, Adalana assise au centre, vêtue d’une robe bleue, portant des cheveux noirs et tenant dans ses bras la petite Kristin, une petite frimousse blonde et boudeuse.
Puis juste derrière, on peut apercevoir Ragen le Yougoslave, imposant, haut de taille, brun, moustachu, athlétique, puis Kevin rebelle et désinvolte, et enfin lui-même Allen, assis tout au bout du tableau, le regard perdu, tandis que les autres scrutent impitoyablement le spectateur ! Glaçant, terrifiant !
Le Dr David Caul se rappelle encore de cette anecdote concernant la toile peinte par son patient. C’est lui-même qu’il l’avait encouragé à le faire, dans l’espoir de le voir délivré de ses entités une fois qu’il les aurait « couchés » sur une toile. Mais à sa grande déception, Billy n’en peint que sept : Tommy, Adalana, Ragen, Kristin, Arthur, Allen et Kevin.
Quand il lui demande pourquoi les autres n’ont pas eu « l’honneur » d’y figurer aussi, la réponse de Billy est très évasive. Peut-être que s’il les avait peints tous ensemble, réunis sur la même toile, leurs visages seraient totalement confus. Pourquoi alors avoir choisi ces sept en particulier au détriment des autres ? Sont-ils ses préférés ou les plus représentatifs de son mal-être ? Le docteur Caul ne parviendra jamais à percer ce mystère.
Il faut savoir que Billy a détruit auparavant deux autres toiles, ne gardant que la troisième, rendue célèbre par la suite lorsque son histoire sera connue des médias américains.
Le Dr David Caul a compris depuis le début que son patient souffre d’un trouble dissociatif de la personnalité. S’il a pu émettre hâtivement un tel jugement, c’est parce qu’il a déjà eu affaire à ce genre de personne. L’origine de ce mal est en général relié directement à l’enfance de l’individu, et c’est souvent un choc émotionnel violent qui en est l’élément déclencheur : viol, agression physique, harcèlement, bizutage, …
Quand le choc est insurmontable, il est « redistribué » ou projeté sur d’autres personnalités créées de toutes pièces pour pallier le trop-plein de douleur difficile à surmonter pour une seule personne. C’est donc grâce à ces nouveaux « doubles », ces alter ego, que l’individu se sent alors capable de surmonter cette épreuve et d’aller de l’avant malgré toute la souffrance psychique que cela implique.
Chez Billy Milligan comme chez toutes les personnes qui souffrent de cette pathologie, l’intervention du « moi », de l’individu, sa capacité à être pleinement conscient et lucide de ses faits et gestes, n’a plus lieu d’être ! Aux autres personnalités de s’occuper de « faire le ménage » dans ce fouillis tortueux qu’est le cerveau humain, et de se battre entre elles pour survivre à l’intérieur de l’âme de la personne concernée.
L’auteur Daniel Keyes, qui apprend l’histoire de Mulligan par le biais de quelques collègues de l’université des sciences de l’Ohio, décide de se rendre lui-même au chevet du jeune homme au Athens State Hospital. Il ne sait pas encore à quoi il doit s’attendre mais si cela réussit, il pourrait en faire un livre. Son idée est de pouvoir tourner des séquences vidéo de Billy, de manière tout à fait improvisée et sans préparation aucune.
L’asile refuse d’abord l’accès à Daniel Keyes, avec pour seule explication que l’intimité des malades ne doit pas être exposée hors des murs de l’établissement pour une question de préservation de la vie privée. Keyes, néanmoins, n’est pas homme à s’avouer vaincu ; il ira jusqu’à demander la permission à Dorothy Milligan, la mère de Billy, qui accepte l’intervention de cet homme au caractère entier et sans scrupules, qui tient énormément à son projet et qui est prêt à tout pour rencontrer son fils.
Source : aventurasnahistoria
Après de nombreuses contraintes administratives, l’hôpital donne finalement son accord et une première rencontre est organisée pour la semaine suivante, alors que Daniel Keyes est angoissé à l’idée que Billy, ou ses autres personnalités, puissent changer d’avis à la dernière minute.
Comme tous les gens qui l’ont déjà rencontré, Billy Milligan surprend par son aspect de jeune premier : il est costaud, plutôt joli garçon, sourit et discute volontiers sans s’effaroucher. Mais à mesure que son entretien avec Keyes avance, les choses changent radicalement, il se rétracte et se met à sangloter en silence avec une petite voix enfantine qui pourrait bien être celle de Kristin.
La caméra de Keyes tourne, lui, retient son souffle, complétement tétanisé. Soudain, Milligan se redresse d’un bond, prend un air menaçant et fixe son interlocuteur. Il marmonne quelque chose dans une langue slave que Keyes ne comprend pas, certainement du russe ou quelque chose qui s’y apparente. C’est Ragen Vadascovinic qui est là, et il semble très contrarié :
— Quoi vouloir à Billy ? Billy est innocent, ne doit pas retourner au tribunal ! Vocifère-t-il dans un anglais approximatif.
Autre pause, Billy semble comme épuisé, il respire difficilement et ses bras tremblent, il tient sa tête de ses deux mains en se balançant d’avant en arrière, et le Britannique Arthur surgit, prenant la parole dans un anglais de la City de Londres, soigné et bien châtié :
— Je vous prie, un peu de silence, qu’avez-vous à crier tous de la sorte ? Je propose que nous consultions d’abord Billy avant de prendre les décisions importantes, il est certes jeune mais ce n’est pas une raison pour l’écarter…
Le ton, le timbre de la voix, la maîtrise de la langue étrangère, les parfaits accents, l’expression des yeux, la gestuelle, à chaque transformation, Billy cède complétement et exclusivement la place à l’alter qui la revendique.
En voilà un autre encore ! C’est Samuel, un commerçant juif de Brooklyn !
Un fort accent ashkénaze se met à parler aussitôt. Samuel est l’un des plus passifs et des moins loquaces quand il s’agit de parler aux étrangers, il est très timide et pour cela, il a tendance à se faire écraser par les autres.
Dès qu’il sent qu’on l’écoute, il se met à citer des passages de la Torah, puis se confond en excuses avec sa voix traînante et nasillarde, il dit qu’il aime et craint beaucoup Dieu, que les autres le mettent en colère car ils se disent tous athées.
Il n’a même pas le temps de continuer que Allen, le peintre toxicomane, vient déjà lui couper la parole. C’est à son tour à présent ! Il ne fait que de se moquer ouvertement du look un peu suranné de Daniel Keyes et de ses grosses lunettes de vue.
En tout, l’auteur assistera pendant plusieurs mois d’enregistrement à la manifestation des 23 personnalités de Billy, hommes, femmes et enfants, peintres, scientifiques et malfrats, dépressifs, joyeux lurons ou dangereux criminels, rien ne lui sera épargné.
La collaboration de Billy et Daniel Keyes se poursuivra les mois suivants, tandis que Billy continue son long processus de guérison grâce aux soins prodigués par le Dr David Caul.
Au bout de quelques semaines, Keyes remarque l’arrivée de la 24e et ultime personnalité de Billy. Cette dernière est considérée comme étant celle qui a fusionné toutes les autres et c’est tout naturellement qu’on lui attribue le nom de « the teacher », le professeur. Keyes raconte d’ailleurs à son propos :
— J’ai vu se matérialiser devant mes yeux la personne la plus éloquente, la plus intelligente, la plus charmante, la plus fascinante jamais rencontrée de toute ma vie !
Le Prof sera le symbole de la guérison complète ou du moins partielle de Milligan, la preuve d’un chapitre clos pour toujours.
Avec l’avènement de la 24e entité, la convalescence de Billy est complète.
En 1988, il est enfin apte à quitter les locaux de l’asile psychiatrique où il a séjourné pendant presque douze ans. Il sera par la suite, totalement blanchi par le parquet de l’Ohio.
Après des années de lutte acharnée contre sa pathologie, on le juge apte à pouvoir reprendre une vie presque normale. Il revient vivre chez sa mère pendant quelques temps avant de mettre le cap sur Los Angeles en Californie où il part s’installer au début des années 90. Là-bas, il essayera pendant un temps de travailler dans le domaine du cinéma et crée même sa propre boîte de production, The Stormy Life Productions, un projet qui sera voué à l’échec par manque de capitaux.
Billy restera longtemps en contact avec l’auteur Daniel Keyes qui lui consacrera un livre rédigé à partir de leur ancienne collaboration alors qu’il était encore interné au Athens State Hospital.
Cet ouvrage, intitulé Les mille et une vies de Billy Milligan rapporte, avec illustrations et extraits sonores à l’appui, l’expérience conjointe de l’auteur et des différentes personnalités qu’il a « rencontrées » en direct.
Keyes veillera à retranscrire le plus fidèlement possible l’ensemble de ses entrevues en huis-clos. La sortie du livre provoqua un choc terrible aux États-Unis, bouleversant au passage de nombreux Américains qui, bien que friands d’histoires spectaculaires et surnaturelles, seront confrontés à la réalité froide d’une vraie situation clinique, se déroulant à quelques pas de chez eux.
Néanmoins les ventes seront fructueuses, aussi bien en Amérique du Nord que dans toute l’Europe et permettra de faire connaître au grand public cette pathologie encore inconnue, auréolée de tabous et souvent associée à la démence.
Billy Milligan décède à l’âge de 59 ans, le 12 décembre 2014, des suites d’un cancer. Avant sa mort, il a séjourné dans une maison de repos situé à Columbus dans l’état de l’Ohio.
Source : latimes
Son histoire, bien que singulière, ne fait pas l’unanimité. En 1954, une jeune femme du nom de Shirley Ardell Mason, vivant à New York, a été suivie par la psychanalyste Cornelia Wilbur pour une forme similaire de trouble de la personnalité multiple. Tout comme Billy, Shirley avait souffert d’abus sexuels durant son enfance, un traumatisme qu’elle a fini par projeter sur des personnalités dans une forme instinctive d’auto-protection. Ses alter ego sont toujours des femmes de la haute société newyorkaise, guindées et élégantes.
L’histoire de Shirley Mason sera adaptée au cinéma en 1976 sous le titre Sybil, un an jour pour jour avant le déclenchement de « l’affaire Milligan » en Ohio.
L’histoire de Billy sera également adaptée sur grand écran en 2017 dans un film intitulé Split. L’acteur britannique James McEvoy y joue le rôle principal, dans une performance aussi audacieuse que poignante.
L’histoire de Billy Milligan va provoquer une onde de choc aux États-Unis, qui vont, pour la première fois, plonger dans les tréfonds du mystérieux et effrayant trouble dissociatif de la personnalité, ou personnalité multiple !
Les sources :
- Billy Milligan ou l’histoire de l’homme aux 23 personnalites
- Billy Milligan
- Billy Milligan 24 others
- LA MULTIPERSONNALITÉ, PHÉNOMÈNE D’ÉPOQUE, CONSTANTE DE LA PSYCHÉ HUMAINE OU SIMULATION ?
- Billy Milligan Documentary (Rare Lost Interview Footage)
- Multiple Personality Disorder – Documentaire
- BILLY MILLIGAN – MULTIPLE PERSONNALITY FOOTAGE
- Billy Milligan: L’histoire vraie de l’homme derrière Split
- William Stanley « Billy » Milligan, l’homme aux 24 facettes
- Daniel Keyes
- Sybil (film, 1976)
- Split (film)
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