À l’approche de l’an 2000, beaucoup de sectes apocalyptiques se sont mises à préparer leur départ vers une autre dimension. Dans cette lancée, entre octobre 1994 et mars 1997, 74 personnes ont trouvé la mort sur deux continents différents, l’Europe et l’Amérique du Nord. Les victimes ont toutes péri de la même façon : brûlées dans des incendies et placées en cercle dans des chalets. Elles étaient suisses, canadiennes, françaises ayant pour seul point commun l’appartenance à la secte de l’Ordre du Temple Solaire.
Pour les différentes polices des trois pays commence alors une longue et éprouvante enquête pour percer la vérité alors que tout tend à croire qu’il s’agirait de suicides collectifs. Durant leurs investigations menées à tâtons dans un univers parallèle et complétement inconnu, les policiers découvrent les coulisses d’une puissante organisation aux tendances ésotériques et suicidaires, un véritable business très rentable, orchestré par deux puissants gourous : Joseph Di Mambro, un ancien bijoutier provençal et Luc Jouret, un médecin homéopathe belge, deux anonymes au parcours douteux, devenus en un rien de temps des dieux pour leurs disciples.
L’Ordre du Temple Solaire reste, à ce jour, l’une des plus grosses affaires de dérive sectaire de la fin du xxe siècle. L’arnaque à grande échelle, le crime organisé, les nombreuses cérémonies théâtralisées et un rocambolesque transit sur la planète Sirius constituent le socle de cette organisation criminelle qui s’est toujours targuée d’être à but non lucratif et d’agir pour le bien commun.
Comment tout cela a-t-il commencé ? Comment les adeptes ont-ils été enrôlés ? Qui se cache réellement derrière la façade bien vernie des deux gourous emblématiques, Jo Di Mambro et Luc Jouret ? Je vous propose de faire un retour sur les traces et l’origine de cette secte singulière qui n’a pas fini de faire parler d’elle, même 26 ans après !
Nous sommes le 4 octobre 1994 dans le petit village de Morin-Heights au Québec. Les pompiers de la commune voisine viennent d’être alertés pour un incendie qui se propage dans l’un des chalets du village. Quand ils arrivent sur les lieux, il est malheureusement déjà trop tard pour maîtriser quoi que ce soit : la maison est en cendres et tombe en ruines. Les policiers appelés en renfort arrivent pour faire les premiers constats : outre les importantes pertes matérielles, ils découvrent dans les décombres cinq cadavres carbonisés, dont celui d’un bébé.
Pour l’instant, repérer l’origine du feu est primordial. Au premier abord, tout laisse à penser qu’il s’agit d’un incendie accidentel, déclenché par une bonbonne de gaz ou un radiateur, sauf que…
Le lendemain, 5 octobre 1994, dans la paisible localité de Salvan dans les Alpes Suisses, ce sont deux chalets à avoir brûlé entièrement dans des circonstances quasi-similaires à celui de la veille au Québec. Dans la première maison, la police suisse découvre à son tour quinze cadavres carbonisés, plus dix autres dans un autre chalet quelques mètres plus loin. Vingt-cinq victimes au total.
Les policiers ne sont pas au bout de leur surprise puisque deux heures plus tard, à 110 kilomètres de Salvan, dans la commune de Cheiry, vingt-trois cadavres supplémentaires sont retrouvés dans une petite ferme biologique isolée qui a pris soudainement feu, elle aussi. Fait très curieux : le chalet de Cheiry n’est autre que la réplique exacte de celui de Salvan en moins grand en superficie. On ne recense encore une fois aucun survivant.
Parmi les victimes du chalet de Salvan figurent deux « personnalités » locales : Joseph Di Mambro, 70 ans et Luc Jouret 46 ans. Di Mambro et Jouret ne sont pas des inconnus : le premier mène une vie de jet-setter et le deuxième est un brillant conférencier connu dans le monde entier et qu’on ne présente plus en Amérique du Nord.
Pourtant, depuis quelques mois déjà, de curieux bruits ont commencé à circuler à propos de leurs vraies vocations. Ils ont été mêlés à différentes affaires de fraudes immobilières et de versement de chèques sans provision. Des bruits circulent également à propos d’une secte d’un genre singulier dont le tandem Jouret/Di Mambro serait fondateur.
Au Canada, où l’enquête se poursuit dans le même état d’esprit, la police québécoise fait une étrange découverte : le propriétaire du chalet de Morin-Heights n’est nul autre que Luc Jouret ; les personnes mortes étaient ses disciples et ses sympathisants, ceux qui ne rataient pas une seule de ses conférences !
Entre la Suisse et le Canada, on recense en tout soixante-neuf victimes, décédées dans les mêmes circonstances, à un jour d’intervalle et ayant toutes appartenu à une mouvance sectaire, un groupuscule ésotérique, connu sous le nom de l’Ordre du Temple Solaire.
Graduellement, les pièces commencent à coller, mais les différents corps de police sont devant un dilemme : qui est à l’origine des trois incendies ? S’agit-il d’un suicide collectif ou plutôt d’un abominable crime organisé par les gourous et leurs filières des deux côtés de l’Atlantique ?
Dans les deux pays, l’annonce des décès fait l’effet d’une bombe atomique ! Les familles des victimes ont du mal à y croire, à digérer cette histoire de secte ! Beaucoup ont d’ailleurs appris la terrible nouvelle par le biais de la radio et de la télé.
La tristesse, la colère et l’incompréhension prennent rapidement le dessus : les victimes étaient des personnes saines d’esprit, des familles et des couples aimants, unis, équilibrés, visiblement sans soucis, et occupant tous des postes plus ou moins importants dans des domaines aussi variés que les finances, les banques et l’industrie ! Comment ont-ils pu tomber dans ce piège et entraîner leurs enfants avec eux dans cette folie ?
Et les enquêteurs vont de surprise en surprise, plongeant de plus en plus dans le macabre : dans les chalets de Salvan, de Cheiry et de Morin-Heights, ils retrouvent tout un arsenal composé de reste de capes blanches et noires rehaussées d’un crucifix brodé en fil d’or, de perfusions, de fioles, de dispositifs pour mettre le feu, de revolvers, de somnifères et d’antidépresseurs. Deux épées reliées par tout un système enchevêtré de fils électriques sont également retrouvées dans les décombres.
Source : aucoteduranie
Sur les lieux, apparaît encore une preuve indéniable : une mystérieuse cassette VHS dont le contenu fait froid dans le dos : les premières images montrent une salle à manger aux murs rouges, probablement celle du chalet de Salvan ; autour de la table sont réunis plusieurs individus partageant en grande pompe ce qui s’apparente à un dernier repas de condamnés. Le dernier dîner pris en commun par les membres de l’OTS, quelques instants seulement avant leur transit précipité vers la planète Sirius !
Vers la fin de la séquence, chaque adepte est prié, par la personne derrière la caméra, de prendre la parole afin d’exprimer son ressenti et dire ses dernières volontés. Tous semblent sereins, incroyablement sereins et parlent de façon monocorde et détachée. Pas l’ombre d’une émotion n’altère leur voix ou leur expression faciale, pas un seul ne semble être bouleversé.
La police conclut alors que pour arriver à cet état presque végétatif, les adeptes de ont dû être drogués à leur insu par Jo di Mambro et Luc Jouret, présents aussi lors de la séquence vidéo finale. Le film se termine segmenté en saynètes filmées à la sauvette dans le silence le plus complet et très dérangeant, où l’on peut voir les personnes présentes lors du dîner prendre place à même le sol, en cercle et en position allongée. Puis soudain, la cassette laisse place à un écran noir.
Les jours suivants, les autorités compétentes donne l’ordre de resserrer le dispositif policier autour des chalets de Salvan et de Cheiry, afin d’éviter tout regroupement potentiel de personnes avec les mêmes idées suicidaires.
Quelques semaines plus tard, c’est un document des membres officiels de l’OTS qui refait surface, contenant des listes de patronymes, de dates de naissance, de professions, en tout 500 personnes dont la plupart sont répertoriées à Genève et interrogées par les policiers. En parcourant la liste, les autorités relèvent également le nom de deux policiers français et ceux de la femme et le fils d’un skieur de renom : les Vuarnet !
Soumis à des interrogatoires, d’anciens adeptes sont bouleversés : leur seul regret est de ne pas avoir pu rejoindre en temps voulu leurs père spirituels, Jo Di Mambro et Luc Jouret, afin d’effectuer ensemble le premier transit vers Sirius, le lieu de sûreté qu’ils avaient promis pour fuir ce monde matériel tellement injuste et cruel ! Pour le moment, le seul espoir qu’il leur reste est un message à titre posthume laissé par Di Mambro qui atteste les attendre « là-bas » et qu’ils doivent absolument le rejoindre dès qu’un nouveau signal leur sera donné, très prochainement !
Pour les policiers, l’enjeu est d’éviter coûte que coûte un énième drame humain ! C’est pourquoi ils décident de mettre tout ce monde sur écoute téléphonique. Seulement, les jours puis les semaines passent et rien de nouveau à l’horizon, pas un écho, aucun nouveau message, seulement des coups de fil au contenu bénin et sans langage codé, de simples conversations sur le train-train quotidien.
Les policiers finissent même par croire que certains ont fini par abandonner l’idée de ce voyage abracadabresque vers Sirius, qu’ils ont pu retrouver un semblant de vie normale, voire même qu’ils ont pu renouer avec leurs familles qui leur ont ôté cette idée de la tête. Mais ils se trompent !
Treize mois plus tard, le 16 décembre 1995, coup de théâtre ! Cette fois-ci, seize cadavres supplémentaires sont retrouvés en France, dans une forêt du massif du Vercors surnommée « Le Trou de l’enfer », nom très évocateur ! Comme les victimes précédentes, les corps ont été brûlés et disposés en cercle en se tenant par la main. Les voitures des seize victimes ont été, quant à elles, répertoriées en lisière de bois, portant des immatriculations de Genève ou du Luxembourg. Dans ce nouveau et triste palmarès figurent également trois enfants âgés entre six et dix ans, accompagnant leurs parents.
Les premiers éléments de l’enquête retiennent la thèse du suicide collectif avant que les premiers résultats balistiques ne démontrent le contraire : douze parmi les victimes ont été exécutées d’une balle 22 long rifle !
Rapidement, les enquêteurs repèrent le point commun avec les événements advenus un an auparavant en Suisse et au Québec. Il n’y a à présent plus aucun doute là-dessus : les victimes du Vercors étaient, comme les autres, des adeptes de l’OTS ; Joseph Di Mambro leur a bien dit d’attendre un signal pour pouvoir partir à leur tour ! Et ils l’ont fait au nez et à la barbe des autorités ! Quel a été le signal, d’où venait-il ? Les autorités sont tout bonnement incapables d’y répondre.
Pour les policiers, c’est le coup de massue ! L’histoire de l’écoute téléphonique s’est révélée un vrai fiasco et a été habilement contournée par les « candidats au transit » qui ont trouvé d’autres moyens, outre le téléphone, pour communiquer et s’organiser entre eux !
Alain et Jean Vuarnet, dont respectivement la mère et l’épouse figurent parmi les dernières victimes, sont sous le choc ! Il faut dire que les Vuarnet ne sont pas des inconnus pour les médias : les époux Jean et Edith étaient des champions de ski avant de se reconvertir en judicieux homme et femme d’affaires qui ont collectionné les succès et les acquisitions matérielles. Avec leurs trois garçons, ils filaient le parfait bonheur familial jusqu’à l’annonce de la terrible nouvelle qui a tout remis en question, et a balayé toute ombre de quiétude et d’équilibre !
Le choc des premiers instants céde la place à la frustration, la colère et l’incompréhension. Mais alors que Jean Vuarnet semble se résigner à accepter cette épreuve aussi dramatique et douloureuse soit elle, Alain, lui, ne décolère pas ! Comment se fait-il que sa mère, Edith, qui n’a jamais été une femme suicidaire ou dépressive, ni sujette aux troubles du comportement, a-t-elle pu tomber dans un tel engrenage ? Comment a-t-elle pu entraîner si inconsciemment son petit frère Patrick dans ce délire ?
Les médias ont commencé à avancer des termes comme : « secte », « ésotérisme », « monde invisible », « monde parallèle », « templiers », « transit sur la planète Sirius », « lavage de cerveau », « suicide collectif », tant de choses qui ne semblent pas du tout correspondre avec tout ce que représentait sa mère dans ses souvenirs : une femme équilibrée, indépendante, cartésienne et avec la tête sur les épaules. Pas le genre d’illuminée mystique à se jeter dans la gueule du loup et à gober les paroles d’un gourou suicidaire !
Alain avait appris que sa mère fréquentait la secte en octobre 1994, juste après l’annonce des premiers massacres de Salvan. Puis, elle lui avait promis qu’elle allait définitivement quitter la structure et revenir à sa vie d’avant, et il l’avait cru sur parole ! La famille l’avait entourée du mieux qu’elle avait pu, craignant une « rechute » !
Sauf qu’au fil du temps, les choses ont empiré : le rapport fusionnel et aimant qu’il avait toujours entretenu avec elle s’est graduellement effrité, et elle a commença à se replier de plus en plus sur son petit frère, au point que cela fragmenta, brisa leur famille : Alain, son père et un autre frère d’un côté, sa mère et Patrick de l’autre ! Deux clans qui commencent aussi à s’affronter chaque jour pour un oui ou pour un non !
Alain Vuarnet se souvient, encore maintenant, des étranges coups de fil reçus au beau milieu de la nuit et des départs précipités de sa mère et Patrick à des heures improbables, pour ne rentrer que tard le lendemain sans piper mot et sans fournir d’explication sur leur absence !
Face à Jean de plus en plus en colère et les harcelant de questions sur leur emploi du temps insolite, Edith et Patrick dressaient un mur de silence et allaient s’isoler tout seuls dans une pièce ! Les derniers temps, juste avant le drame du Vercors, il leur arrivait même de dormir ensemble dans le même lit, et se taire brusquement dès que quelqu’un faisait irruption dans la pièce !
Au début de l’année 1996, soit un mois à peine après la découverte des cadavres du Vercors, les trois polices canadienne, suisse et française, d’un commun accord, décident de travailler et de collaborer conjointement avec les moyens dont elles disposent, dans un esprit de « l’union fait la force » . Le dossier de l’OTS ne ressemble à aucun autre, la grande part de mystère et d’étrangeté qui l’entoure ne fait pas progresser les choses.
Dès le départ, ces policiers tellement terre à terre, tellement accoutumés aux crimes « visibles », aux malfaiteurs lambda, aux enquêtes classiques et linéaires, se sentent comme projetés dans l’inconnu, dans un monde parallèle, auréolé de mystères et de parts d’ombre dont ils ignorent absolument tout ! Par où commencer les recherches ? Sur quoi faut-il se baser ? Comment éviter une autre catastrophe humaine ?
De leurs côtés, les médias, friands de ce genre d’affaire, en font leurs choux gras : tout ce qui est en rapport avec les événements de l’OTS constitue à présent un terreau pour le sensationnalisme et le voyeurisme macabre.
Et justement, bien avant d’en arriver à toutes ces interrogations, comment et dans quelles circonstances s’est construite la secte de l’Ordre du Temple Solaire ?
Son histoire commence ainsi !
Le futur Ordre du Temple Solaire débute discrètement dans un village isolé de la Belgique, à la fin des années 70. Au début, ce n’est qu’une petite communauté peu connue dont la principale activité tourne autour de l’organisation de petites réunions et de rencontres où sont débattus et discutés les sujets de l’actualité qui préoccupent alors les intellectuels : l’origine et le sort de l’humanité à l’aube de l’an 2000, le nucléaire, la vie dans l’espace, la pollution atmosphérique et la couche d’ozone, les guerres, les nouvelles maladies incurables comme le cancer ou le SIDA.
À côté de cela, des ateliers de naturopathie, de yoga, de botanique et de cuisine bio sont également prodigués contre de modestes rétributions, le tout dans une ambiance conviviale et décontractée.
L’une des têtes pensantes de ce groupuscule est un jeune homme du nom de Luc Jouret, médecin homéopathe de vocation, qui a voyagé pas mal dans toute l’Asie où il a appris la médecine orientale ancestrale, la médecine douce par les plantes et les techniques de yoga visant à réduire le stress et le burn-out, véritables fléaux des sociétés industrialisées !
Outre ses vastes connaissances en la matière, ce qui frappe positivement les personnes qui côtoient Luc Jouret pour la première fois, c’est indéniablement son charisme bien dosé et sa capacité à accaparer l’attention de son auditoire par le pouvoir des mots.
Au fil du temps et des conférences sur tout le territoire belge mais aussi en Suisse et dans le Midi de la France, sa réputation se renforce de plus en plus avec l’arrivée de nouveaux sympathisants ! Des échos positifs arrivent même depuis Québec !
Luc Jouret est rapidement rejoint par un autre personnage, un ancien orfèvre originaire de Nîmes : Joseph Di Mambro. D’origine italienne et né à Nice, Di Mambro a roulé sa bosse un peu partout avant d’atterrir sur le siège voisin de l’homéopathe belge à grand succès !
Mais si Jouret possède le pouvoir des mots et des jolies tournures pour accrocher l’auditoire, Di Mambro, lui, est fort de longues années d’expérience dans le domaine de l’ésotérisme : outre son métier de bijoutier, il a été tour à tour été médium, cartomancien, directeur d’un centre New Age dans la région de Grenoble, « Le Centre de la Préparation à l’âge nouveau ».
Il raconte qu’il possède aussi le don de voir l’avenir dans les cours d’eau et que ses prémonitions se révèlent toujours justes ! En somme, un personnage haut en couleurs et de plus en plus indispensable !
Son physique, lui, ne paye pas de mine : myope, obèse, portant une perruque, Jo Di Mambro arbore le parfait look du gigolo provençal : chemises Versace bigarrées, bagues en or à tous les doigts, il fait souvent des blagues grivoises et est très loquace, en totale opposition avec Jouret qui est beaucoup plus dans la classe et la retenue.
« Leurs talents » mis en commun, ils comptent ainsi conquérir le plus de monde possible ! Doucement mais sûrement, ces deux hommes que tout sépare, aussi bien le grand écart d’âge (Di Mambro a 23 ans de plus que Jouret) que la formation et les origines sociales, trouvent un terrain d’entente, comprennent que l’avenir se joue maintenant et commencent dès lors à tisser habilement leur toile.
Sous le joug de Joseph Di Mambro, le groupe commence à s’isoler crescendo, à se couper de plus en plus des autres et du monde extérieur. Les ateliers de cuisine vegan et sans gluten, les séances de méditation et comment parler avec les plantes, cèdent alors la place aux séances de spiritisme, aux discussions sur la vie après la mort et les interrogations sur la création de l’Homme.
Les participants, jusque-là libres d’aller et de venir à leur guise, sont à présents priés de devenir moins mobiles et de ne pas aller divulguer publiquement ce qui se dit au sein de la structure. Tout doit rester secret, et si quelqu’un a envie de dire quelque chose, il doit d’abord en faire part aux deux responsables.
Source : ranker
Jo Di Mambro décide qui reste et qui part. Pour lui, tout est question d’aura et de vibrations. Si l’une des personnes ne correspond pas au profil qu’il recherche chez un futur adepte, il réunit immédiatement les autres et leur dit : « Celle-là ou celui-là, je ne le sens pas, il n’a pas de bonne vibrations, il faut qu’il parte, qu’il quitte notre communauté ! » Et c’est ce qui est fait, avec l’approbation générale !
La manipulation commence dès lors à opérer et à prendre des proportions plus au moins importantes. Toutefois, pour les moins crédules parmi les membres du groupe, beaucoup commencent à mettre en doute les vraies capacités de Di Mambro et s’en vont les uns après les autres de leur plein gré. La communauté commence petit à petit à se vider et bientôt, Luc Jouret et son acolyte se retrouvent seuls, en tête à tête.
Les deux futurs gourous comprennent alors rapidement que la Belgique n’est pas du tout le lieu approprié pour leurs aspirations et leurs ambitions ésotériques, ils mettent alors le cap sur la Suisse où les gens possèdent plus de moyens financiers et ont plus d’inclination pour les nouvelles tendances.
En 1984, une nouvelle petite communauté se rassemble autour des deux acolytes dans la ferme des Rochettes, située à Cheiry dans le canton de Fribourg. Ici, ils mettent les premières bases de ce qui sera dans quelques temps le socle de leur future secte, initialement l’Ordre Chevaleresque de Tradition Solaire.
Jouret et Di Mambro font alors l’acquisition d’un chalet magnifique qu’ils meublent dans un pur style kitsch : lustres clinquants, canapés rococo, moquette léopard, velours rouge sur tous les murs, objets ésotériques vaudous côtoyant crucifix et bénitiers, l’objectif est d’en mettre plein la vue aux visiteurs !
Contre toute attente, les dons en argent cash et en chèques ne tardent pas à pleuvoir, les deux charlatans jubilent mais ne le montrent pas. Ils sont assez malins pour comprendre que tous ces gens qui viennent boire leurs paroles et donner leur argent ont besoin d’une bonne dose de sensationnalisme, voire même de quelques frissons, histoire de faire un peu peur et renforcer le côté mystique devenu leur fonds de commerce.
Avec ça, il faut aussi le décor approprié. Les séances de méditation et de spiritisme cèdent la place à des cérémonies maçonniques, avec rituels d’initiation et costumes de circonstance, à la façon des Templiers du Moyen Âge. La première cérémonie du genre, qui ressemble en réalité plus à une soirée d’Halloween qu’à une réunion ésotérique, récolte au passage un franc succès.
Mais les discours à rallonge ne sont pourtant pas le fort de Jo Di Mambro qui est tout sauf un bon orateur ! Dénué de charisme, laid, facilement contrarié, il articule mal, a une voix monocorde, et a du mal à dissimuler son fort accent du Midi. Les discours qu’il lit se transforment en vraies épreuves de torture auditive pour les adeptes. Il comprend que sa vocation n’est pas là, et se tourne plutôt vers le recrutement des futurs adeptes, fort de sa capacité de persuasion d’ancien bijoutier.
Luc Jouret, de son côté, est tout l’opposé. D’abord, il est beaucoup plus jeune mais aussi beaucoup plus éloquent et charismatique que Di Mambro. Contrairement à ce dernier, Jouret ne se contente pas de réciter un discours tout prêt aux adeptes, il a recours à d’autres moyens pour se faire de la pub, notamment la télévision où il commence à accorder des interviews.
Dans la foulée, il écrit aussi plusieurs ouvrages portant sur la même thématique : les origines de la vie extraterrestre, la vie après la mort, l’hypnose et les NDE. Il s’accorde lui-même des titres notamment celui de Conférencier international en SCIENCE DE VIE et son succès arrive grâce au bouche à oreille.
A partir de là, Luc Jouret commence à donner des conférences à succès, regroupant à présent entre 400 et 600 personnes. Loin de baragouiner et de baratiner son audience, l’homéopathe belge lui fait un discours sensé et argumenté et les gens boivent littéralement ce qu’il dit. A la sortie de chacune de ces rencontres, on pouvait entendre distinctement : « Quel type épatant ce Dr Jouret ! Quelle éloquence ! Quel charisme ! »
En un laps de temps restreint, les succès de Jouret couplés au marketing de comptoir de Di Mambro deviennent une sorte de moyenne entreprise sur fond de quête spirituelle de soi.
Des centaines de personnes commencent à affluer, et beaucoup proposent même de participer financièrement pour lancer le mouvement. L’un des adeptes ira même jusqu’à verser aux deux gourous un don d’un million de francs suisses soit l’équivalent de 620 000 euros actuels, une somme astronomique. D’autres suivent l’exemple en cédant des parts d’héritage, et pour les plus démunis, carrément leurs épargnes. Au terme de quelques mois, les caisses de la communauté deviennent archi pleines.
Le nom de la fondation change alors de nom est devient Golden Way, avant de devenir définitivement Ordre du Temple Solaire (OTS) en 1985.
Dans la charte de la fondation qui, en passant, est également approuvé par les autorités suisses, l’un des articles stipule :
« Promouvoir le rapprochement de la science et de la théologie pour permettre à l’Homme de prendre sa vraie place dans l’univers en redécouvrant le sens des valeurs réelles ».
Bien gentil et joli tout cela ! Au nom de la fondation, les deux gourous font l’acquisition de plusieurs chalets dans la localité de Salvan – connue pour ses stations de ski huppées – mais aussi des appartements à Genève et à Zurich, dans le seul but d’abriter les activités de la communauté.
C’est pour redonner du sens à sa vie et travailler sur son développement personnel que Thierry Huguenin, jeune prothésiste dentaire originaire de Bâle, commence à assister aux conférences de Luc Jouret. Complétement subjugué par le personnage et par ses enseignements, il commence à suivre de près le calendrier de ses déplacements et ne rate plus aucun de ses meetings.
Contacté en aparté par l’homéopathe, qui n’a pas manqué de remarquer son intérêt, Thierry est gracieusement invité à rejoindre l’un des chalets de l’OTS. Fin 1985, Thierry vend sa maison, quitte son travail, direction Genève, où une toute nouvelle vie l’attend. Il est alors persuadé d’appartenir à quelque chose d’exceptionnel, de grandiose, avec une poignée d’autres personnes privilégiées comme lui.
A son arrivée dans l’une des maisons de la communauté, Thierry Huguenin est accueilli chaleureusement par Jocelyne, la femme de Jo Di Mambro qui s’occupe de l’installer dans ses nouveaux quartiers. Tout de suite, le jeune homme se sent bien dans ce nouvel environnement. Avec lui, il y a une vingtaine d’autres personnes, hommes et femmes, suisses et québécois pour la plupart, réunis par le même amour de la nature et pleinement convaincus de faire quelque chose d’extraordinaire en plantant des fruits et légumes bio.
Dès le lendemain, Thierry est mis dans le bain. Il assiste pour la première fois aux cérémonies, qui revêtent désormais plus de panache et s’inspirent de celles des Templiers et des Chevaliers de la Table Ronde. Joseph Di Mambro se proclame alors Grand Maître et théâtralise de plus en plus ces cérémonies d’un genre particulier.
Le costume tient une place d’importance ! S’inspirant des guerriers médiévaux, les gourous mettent à disposition des adeptes de majestueuses capes blanches ou noires rehaussées d’un crucifix pour la modique somme de… 700 euros. Qu’à cela ne tienne, ils payeront pour les avoir. En portant une cape, le sentiment d’appartenance n’est que plus renforcé et vous élève au rang « d’élu » !
Les adeptes sont alors sujets à des visions, habilement orchestrées par les gourous. Tour à tour, ils assistent, tétanisés, à la résurrection du Christ qui se manifeste lors d’une des premières assemblées nocturnes réunissant une soixantaine de personnes, sous fond de brouillard et de musique céleste. La volonté de marquer les esprits par l’aspect théâtral des cérémonies occupe désormais tout le temps de Jo Di Mambro, qui veut à chaque fois pousser les choses dans leur paroxysme.
Ses disciples, il les convainc qu’ils font partie d’une élite, de quelque chose de prestigieux et qu’ils sont chanceux par rapport au genre humain. L’engrenage commence.
Les journées, elles, sont consacrées à des ateliers de coaching personnel, de séances d’hypnose, mais surtout à abattre beaucoup de tâches très terre à terre. Car si la secte consent à vous accueillir et vous offrir tout le soutien et l’amour dont vous avez besoin, il faut bien qu’il y ait une contrepartie.
Et cette contribution consiste à travailler sans relâche, les femmes dans la cuisine, les hommes aux travaux d’aménagement, de plomberie, de jardinage et d’entretien des domaines de l’OTS. Sur ordre des gourous, la communauté doit manger exclusivement ce qu’elle récolte dans ses potagers, et tout aliment ou produit d’entretien qui vient de l’extérieur est scrupuleusement inspecté, stérilisé et lavé au moins vingt fois avec de l’eau de javel par crainte des « mauvaises énergies ».
Mais ce n’est pas tout. Ils ont ordre de confier tous leurs biens à Di Mambro et Jouret en espèces ou sous forme de legs et de biens immobiliers. Le tout est de « travailler pour le bien de la communauté ». Luc Jouret voyage toujours en business class à Montréal ou achète un luxueux duplex à Genève : c’est pour le bien de la communauté. Jo Di Mambro emmène toute sa smala dîner dans un prestigieux restaurant : c’est pour le bien de la communauté. Il achète un yacht pour faire des croisières : c’est encore une fois pour le bien de la communauté.
L’emprise des gourous sur les adeptes est telle qu’ils pourraient les convaincre de faire n’importe quoi. Luc Jouret « recrute » lors de ses conférences, prenant les futurs adeptes en aparté, faisant mine de s’intéresser à eux, leur posant des questions sur leur vie personnelle, leur profession, leur origine, histoire de cerner leur classe sociale et bien évidemment leurs potentielles rentrées d’argent !
De son côté, Di Mambro flaire aussi les bonnes affaires, les grosses fortunes familiales, en vrai chasseur d’héritage. Certains lui donnent procuration sur leurs comptes courants, d’autres lui confient la villa d’une mère ou d’un père vieillissants, et Di Mambro accepte tout, bien trop content de se faire entretenir par le gratin de la bourgeoisie genevoise, prête à tout pour rester auprès de lui.
Quant aux couples mariés qui arrivent à l’OTS, il prend soin de les séparer et organise de nouveaux « mariages cosmiques » basés sur des vibrations.
« Oh ! Un tel est mieux assorti avec une telle ! Organisons-leur un mariage cosmique ! » Et c’est ainsi que de nombreux couples se sont vus déchirés et séparés à jamais.
Jo Di Mambro profite aussi de ce sombre commerce, et érige autour de lui tout un harem de maîtresses. Parmi elles, il jette son dévolu sur la jeune Dominique Bellaton, qu’il « féconde » en direct avec une épée devant tout un parterre d’adeptes, convaincus qu’ils viennent d’assister à la divine conception. L’épée en question contient tout un système permettant de créer l’illusion d’être habitée par quelque chose de mystique et d’avoir des pouvoirs surnaturels. La réalité, bien sûr, est tout autre. Dominique Bellaton tombe enceinte de Di Mambro de la façon la plus naturelle qui soit. Mais à l’OTS, la réalité dépasse largement la fiction !
La petite Emmanuelle naît en 1982 et sera déclarée comme « l’enfant cosmique ». Pour ce fait, il lui sera interdit de marcher sur le sol, d’être en contact direct avec les autres, de ne manger que des aliments sélectionnés et préalablement stérilisés à plusieurs reprises, et surtout elle sera affublée à longueur du temps d’un casque de cosmonaute pour la protéger des mauvaises énergies ramenées de l’extérieur par les autres.
Retirée à sa naissance de sa mère Dominique Bellaton, la petite Emmanuelle est confiée à Jocelyne, la femme de Di Mambro, la seule habilitée à la toucher, la laver et l’alimenter. Jo Di Mambro l’appelle affectueusement « Doudou ».
A partir de 1990, l’Ordre du Temple Solaire érige désormais la mort comme la seule porte de sortie, la seule délivrance pour les adeptes. Pour la première fois, « le transit par le feu » est évoqué lors d’une des cérémonies nocturnes du vendredi.
De nouveaux adeptes ont fait entretemps leur entrée dans la structure, dont Edith Vuarnet et son jeune fils adolescent, Patrick. Pour ces fidèles, logeant à l’extérieur du chalet, un mot de passe : « Buffet froid », leur est confié pour chacune de leurs visites.
Source : reddit
Des soirées thématiques, « les soirées des apparitions », sont à présent organisées à tout moment. Un coup de fil avec un simple « buffet froid » et l’adepte laisse tout en plan pour se précipiter au siège de la secte, munit de sa cape à 700 euros et de son épée cachée dans le coffre de sa voiture.
Au cours de ces fameuses veillées, des phénomènes de lévitation et d’apparition ont lieu, habilement orchestrées dans les coulisses par des techniciens à l’aide d’hologrammes et de trucages.
Sur l’estrade d’honneur, dans un tourbillon de fumée et de musique cosmique, Jo Di Mambro entonne son speech : « En vertu des pouvoirs dont je suis investi, je trace un cercle de protection autour de cette sainte assemblée, et par l’entité qui m’habite, j’appelle l’ange de l’heure et la divinité planétaire ! ».
Thierry Huguenin, toujours aussi fervent disciple, devient également une espèce de bras droit pour Jo Di Mambro qui le harasse de travail manuel mais en fait aussi son chauffeur à titre personnel. Tous les jours, l’ancien prothésiste doit conduire son maître à Zurich afin de rencontrer « Les Maîtres de l’invisible » dans une prétendue galerie souterraine tenue secrète. Thierry ne verra jamais le lieu de ces rencontres, toujours sommé de stationner très loin. Ce n’est que plus tard qu’il saura que Di Mambro allait y rencontrer sa maîtresse du moment, non pas dans une galerie souterraine mais bien dans un luxueux appartement.
Atteint de douleurs lombaires de plus en plus lancinantes, Thierry est quand même envoyé avec un couple originaire du Québec, les Lepage, pour réaliser les finitions du chalet que la secte vient d’acquérir à Cheiry. Pourquoi payer de la main d’œuvre puisque des adeptes peuvent le faire et à titre gracieux ?!
Mais depuis quelques temps déjà, Thierry commence à avoir des doutes quant à la bonne foi de Di Mambro et de sa clique de favoris. Maintes fois, il les a conduits dans des enseignes de luxe et de joaillerie pour faire leurs emplettes de Noël. Plusieurs fois par an, il les a déposé à l’aéroport car ils partaient en voyage en Egypte, en Italie et aux États-Unis, des virées de luxe largement payées grâce aux cotisations généreuses des autres adeptes, tandis qu’eux devaient rester sur place pour planter des potagers bio, récolter des légumes, refaire la tuyauterie, réparer des radiateurs, faire les courses.
Thierry n’est pas dupe ! La secte s’est tout bonnement payé leur tête depuis des années, lui et tant d’autres, et c’est sans langue de bois qu’il fait part de ses réflexions à ses amis québécois.
« De toute façon, dès qu’on aura terminé la job, Martine et moi nous repartons à Québec ! Il est hors de question qu’on continue ! » confie Marc Lepage à Thierry.
« Je ne compte pas continuer non plus ! » dit Thierry.
Mais quand Jo Di Mambro apprend que le couple compte quitter la secte et que, de surcroît, Martine Lepage est enceinte, il est fou de rage : aucun enfant ne doit faire concurrence à « l’enfant cosmique » ! Malgré les contre-indications, les Lepage finissent quand même par rentrer chez eux et viennent dire une dernière fois au revoir à Thierry.
Un an plus tard, il apprend, sous le choc, que les Lepage ont été retrouvés dans leur domicile de Montréal, tués de plusieurs coups de couteau. Leur bébé, Christophe-Emmanuel, a quant à lui été tué d’un pieu enfoncé dans le cœur.
Source : twitter
Les auteurs de cet abominable crime seraient vraisemblablement Dominique Bellaton et un certain Joël Egger, dépêchés sur place par Luc Jouret. Leur sordide besogne accomplie, ils ont sauté dans le premier avion pour Genève, convaincus d’avoir éliminé l’Antéchrist en personne.
En 1993, malgré les supplications de Jocelyne Di Mambro et d’autres « élus », Thierry Huguenin plie bagages et quitte définitivement la communauté. D’autres lui emboîtent le pas, de plus en plus fatigués par les discours réchauffés de Luc Jouret et des délires apocalyptiques de Di Mambro.
L’Ordre du Temple Solaire est à présent en plein déclin, le moral mais aussi les caisses s’en font ressentir : l’argent dépensé dans les voyages en première classe, le shopping, les banquets chez Fouquet, s’est dangereusement amoindri et il n’y a plus moyen de faire revenir les vaches à lait.
Pire, beaucoup de membres « sortants » ont commencé à réclamer leurs dus aux deux gourous, les harcelant de coups de fil, les pressant de leur rembourser tout l’argent qu’ils leur ont si crânement soutiré pour leur dépenses personnelles. Di Mambro est au pied du mur, il promet de les rembourser, tous !
C’est alors que Luc Jouret commence à invoquer le prochain départ, le fameux transit sur la planète Sirius afin d’échapper à ce monde de misère humaine.
Les cérémonies clinquantes et flamboyantes des débuts ont laissé place à de petites réunions regroupant maximum cinq ou six adeptes, où il n’est plus question à chaque fois que de mort et de départ.
Le 4 octobre 1994, Thierry Huguenin revient à Salvan réclamer une forte somme d’argent qu’il avait confié à Di Mambro il y a quelques années de cela. Le gourou accepte gracieusement de lui donner rendez-vous au chalet pour le rembourser.
Mais quand Thierry arrive sur place, il est pris d’un très mauvais pressentiment, une forte odeur de carburant le prend au nez. Jo di Mambro vient à sa rencontre, lui dit qu’il a perdu les clés du chalet mais qu’ils peuvent discuter dans le garage. Thierry est très en colère et le fait comprendre à un Di Mambro très conciliant et penaud, qui commence presque à le supplier de rester avec eux pour toujours.
Dans un mouvement, il tente même de fermer la porte du garage. Paniqué, Thierry Huguenin a le bon sens et le réflexe d’agir au bon moment, de sauter dans sa voiture et démarrer à toute allure. Tant pis pour l’argent. Il ne reviendra plus jamais ici ! Des adeptes essayent tant bien que mal de lui faire barrage mais il est déjà trop tard.
Le pressentiment de Thierry Huguenin a été juste. Le lendemain, 5 octobre 1994, l’incendie des chalets de l’OTS fait la une des médias suisses et québécois.
« L’univers a été créé par le feu et c’est par le feu qu’il doit se dissoudre ». C’est sur cette phrase que s’est achevée la vidéo cassette du massacre de l’OTS.
Après la mort des deux gourous, certains anciens adeptes, visiblement nostalgiques, ont continué à se voir, notamment par le biais d’une certaine Christiane Bonnet qui assure entendre dans son sommeil le message posthume de Jo Di Mambro. Elle réussit à convaincre et entraîner avec elle quinze autres anciens disciples dans un bois du massif du Vercors, dans la nuit du 15 au 16 décembre 1995 pour un « deuxième et dernier transit ». Leurs corps mitraillés de balles et brûlés sont retrouvés par la police de Grenoble quelques jours plus tard. Meurtre ou suicide collectif ? Jusqu’à aujourd’hui, le mystère reste complet.
Deux ans plus tard, à Saint-Casimir, petit canton de la région de Montréal, cinq cadavres supplémentaires sont retrouvés, carbonisés et disposés en demi-lune, trois d’entre eux étaient de nationalité française. Ce sera le dernier drame du genre relié à l’Ordre du Temple Solaire.
En France, un mystérieux personnage, Michel Tabachnik, ancien médium et chef d’orchestre philarmonique mais surtout fervent membre de l’OTS depuis ses débuts, est suspecté d’avoir aidé les gourous à organiser les massacres et d’être même derrière les effets spéciaux lors des cérémonies.
De plus, son nom figure un peu partout dans les documents comptables de la secte, notamment les mesures pour confectionner sa cape et sa chasuble, mais aussi dans de très controversés documents notariaux visant à acquérir des biens immobiliers à Genève et à Montréal. Pointé du doigt, Michel Tabachnik crie toujours son innocence. En 1998, Il est condamné par le tribunal de première instance de Grenoble pour création d’association de malfaiteurs et crime organisé. Il est finalement blanchi et relâché en décembre 2006, après près de six ans derrière les barreaux.
Depuis les terribles événements de 1994, Thierry Huguenin est resté à Genève, vivant en reclus, incapable d’affronter le monde extérieur après près de quinze ans passés dans la secte. Sa renaissance, il la doit à l’écriture d’un roman dont le titre « Le 54e », évoque le chiffre du dernier des Templiers que la secte lui aurait accordé avant le transit.
« Je me considère comme un miraculé ! Si je parle aujourd’hui, c’est pour faire justice aux autres, tous ces gens, ces amis que j’ai tant aimé ! Pour eux, pour tous ces innocents morts à cause de la mégalomanie de deux hommes, je n’ai pas le droit de me taire ! » raconte Huguenin au bord des larmes et très fragilisé émotionnellement par cette expérience.
Il lui faudra près de cinq ans pour revenir à un semblant de vie normale, car selon lui, « même si on choisit de quitter une structure sectaire de son plein gré, elle continue longtemps à vivre en nous ! C’est une prison invisible ! J’ai encore peur d’aller m’asseoir dans un café, peur d’aller dans des administrations, de faire mes courses, peur de parler aux gens, craignant qu’ils me questionnent sur mon parcours, et là, qu’est-ce que je pourrais bien leur dire ? J’ai tout simplement honte de ce qu’ils ont fait de moi ! »
De son côté, Alain Vuarnet, fils et frère de deux victimes du Vercors, n’a jamais décoléré ni baissé les bras. Depuis des années, il continue à se battre pour faire éclater la vérité auprès d’autres associations anti-sectaires. Pour Vuarnet, les massacres de Salvan, de Morin-Heights, de Cheiry et du Vercors étaient de vrais meurtres maquillés en suicides collectifs et non le contraire !
Avec 74 victimes au compteur, l’Ordre du Temple Solaire a été la secte ayant généré le plus de dégâts humains, répartis sur deux continents. En Suisse et au Canada, les poursuites judiciaires contre X ont été finalement abandonnées car il n’y avait plus personne à juger après le décès de Joseph Di Mambro et Luc Jouret.
Source : kennerly
Si beaucoup d’anciens adeptes ont choisi de sortir de l’ombre et de témoigner pour exorciser un peu de cette horreur, d’autres ont préféré garder l’anonymat, nostalgiques de leur gourous ou craignant que la colère des Templiers ne vienne s’abattre sur eux et les maudire à jamais. Un petit groupe continue néanmoins à attendre le prochain voyage vers Sirius.
Comment tout cela a-t-il commencé ? Comment les adeptes ont-ils été enrôlés ? Qui se cache réellement derrière la façade bien vernie des deux gourous emblématiques, Jo Di Mambro et Luc Jouret ?
Les sources :
- Le dernier secret de l’Ordre du Temple Solaire
- LA PRISON INVISIBLE DES SECTES: Ordre du Temple Solaire et autres
- Aller Simple Pour Sirius 1996
- La tuerie de l’Ordre du Temple Solaire (OTS) 1994
- Ordre du Temple solaire
- Luc Jouret le boucher des Templiers
- Le drame de l’ordre du temple solaire
- Les massacres de l’ordre du temple solaire
- La secte du temple solaire
- L’ordre du temple solaire il y a vingt ans
- Une secte a brise ma famille Par Alain Vuarnet
- Luc Jouret
- Joseph Di Mambro
- Une approche du symbolisme de l’epée
- Le rescape accuse
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